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Libération

Les eurosceptiques allemands affaiblis par la cote de Merkel

La popularité de la chancelière et de son ministre des Finances reste au sommet, tandis que les anti-euro de la CDU et les sociaux-démocrates se divisent, peinant à assumer leurs positions.
publié le 10 août 2015 à 19h36

Tête de file des rebelles anti-euro à la CDU, Wolfgang Bosbach n’a pas tenu sa promesse de quitter le Bundestag. Le 17 juillet, il faisait partie des 65 députés CDU à voter «non» à la demande d’Angela Merkel d’approuver le compromis de Bruxelles.

Zénith. Mais, depuis, la popularité d'Angela Merkel et de son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, est au zénith. Selon un sondage réalisé pour la chaîne de télé publique ZDF le 24 juillet, 61 % des Allemands sont satisfaits de la gestion de la crise par la chancelière ; 74 % approuvent l'action de Schäuble. Combat perdu d'avance pour Bosbach.

«Une division au sein de la CDU ? Je n'y crois pas, tranche le politologue de l'Université libre de Berlin Gero Neugebauer. Angela Merkel tout comme Wolfgang Schäuble pensent d'abord aux élections de 2017. Certes, ils ont une conception différente de l'UE. Elle ne veut pas être jugée responsable d'une scission de l'Europe ; il est favorable à une Europe à deux vitesses. Mais tous deux sont finalement d'accord sur un point : ils ne veulent pas abandonner une part de leur compétence nationale aux institutions européennes.» «Les sondages sont fantastiques pour Angela Merkel, renchérit le politologue Nils Diederich, professeur émérite de l'Université libre. Elle est perçue comme défendant nos intérêts, Schäuble comme étant son chien de garde, qu'on peut laisser aboyer puisqu'il est attaché…» «Le sommet a plutôt renforcé la position d'Angela Merkel, qui a négocié très dur avec Aléxis Tsípras», estime aussi Albrecht Meier, spécialiste des questions européennes au quotidien Tagesspiegel.

Paradoxe. Le SPD - qui a donné l'impression de louvoyer tout au long de la crise grecque - sort affaibli. «Il a d'abord défendu la ligne de la solidarité envers la Grèce dans le cadre d'un plan Marshall, rappelle Gero Neugebauer. Mais il n'y a pas eu d'initiative concertée de la social-démocratie européenne.» «La position du SPD est très compliquée, estime Nils Diederich. En tant que junior-partner dans une grande coalition, il leur est presque impossible de jouer un rôle d'opposition. Cela n'est pas vrai que pour la Grèce : objectivement, la première moitié de la législature a été dominée par le SPD, qui a imposé quantité de ses projets phares, comme le salaire minimum, les quotas féminins à la tête des entreprises… Les Allemands sont satisfaits de ces réformes. Pourtant, la CDU reste stable à 40 % tandis que le SPD ne décolle pas des 25 % d'intentions de vote.» Ce paradoxe est tel que le ministre-président SPD du Land Schleswig-Holstein, Torsten Albig, vient de proposer à son parti de renoncer à présenter un candidat aux élections de 2017, puisqu'Angela Merkel «fait les choses de façon formidable». Tollé dans les rangs du parti.

Englués dans des considérations politiciennes, les partis s'intéressent finalement peu à la dimension géostratégique de la crise grecque. «Quand il s'agit de questions financières nationales ou internationales, les partis débattent comme des particuliers à propos du budget familial, résume Nils Diederich. Les Verts, pourtant dans l'opposition, ont ainsi du mal à élever le débat car ils sont surtout ancrés dans la politique locale. Ils ont complètement intériorisé la politique d'austérité car une réforme de la Constitution interdit aux communes et aux Länder de faire de nouvelles dettes. Seule la gauche radicale de Die Linke élève la voix pour dire "on se fout du capitalisme", ce qui les autorise à un soutien inconditionnel envers la Grèce.»