L’image de la bannière étoilée flottant ce vendredi sur l’ambassade américaine du Malecón, la grande avenue du front de mer de La Havane, entrera dans l’histoire. La visite du secrétaire d’Etat américain, John Kerry, entérine la normalisation avec Cuba, même si l’embargo instauré en 1961 reste encore en place dans l’attente des votes du Congrès. C’est incontestablement le plus grand succès diplomatique de Barack Obama, voire, jusqu’ici, le seul, tant il devra batailler pour faire ratifier un accord sur le nucléaire iranien qui divise jusqu’à son propre camp. Les investisseurs américains sont prêts à déferler sur l’île, marché certes limité de 12 millions d’habitants mais hautement symbolique. Le régime aux abois de Raúl Castro mise sur l’ouverture économique, mais ne lâche rien sur les droits de l’homme et continue de harceler les dissidents. Les thuriféraires du libéralisme ont longtemps cru que l’économie de marché et la démocratie étaient indissociables. L’exemple de la Chine montre que ce n’est pas nécessairement le cas, au contraire, et, désormais, nombre de pays émergents d’Asie comme d’Afrique s’inspirent de ce modèle combinant capitalisme sauvage et très strict verrouillage politique. L’enjeu de Cuba est essentiel en raison des espoirs qu’incarna cette révolution avant de se transformer en clone tropical de la défunte Union soviétique. Il y a à Cuba une société civile éduquée et dynamique qui veut croire en la démocratie. Kerry en est conscient, et il devrait rencontrer des dissidents lors d’une réception privée. Un geste que n’a pas jugé bon de faire François Hollande, qui fut, en mai, le premier chef d’Etat occidental à se rendre à Cuba depuis la révolution. En revanche, il eut droit à une rencontre avec le Líder máximo en personne, un Fidel Castro désormais cacochyme. C’était un choix. Il n’est pas sûr que ce fut le plus judicieux pour incarner l’avenir.
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