Que l'Etat islamique (EI) soit capable d'atrocités et d'actes de barbarie n'est pas une surprise. Il en a même fait sa marque de terreur, diffusant des vidéos de ses massacres et de ses exécutions. Dans son édition de jeudi, le New York Times s'est intéressé à ce que les jihadistes ne montrent en revanche pas : la mise en esclavage de femmes et fillettes yézidies en Irak et en Syrie. L'enquête, qui confirme de précédentes conclusions des ONG Human Rights Watch et Amnesty International, est autant effroyable qu'éclairante pour comprendre comment une campagne de viols systématiques a été préméditée, exécutée et justifiée. Lorsque les jihadistes déferlent sur les contreforts du mont Sinjar, en Irak en août 2014, ils n'agissent pas en mercenaires ou miliciens incontrôlés qui tuent et violent parce qu'ils en ont l'occasion et que leurs chefs regardent ailleurs. Leur campagne de terreur est au contraire organisée. Les Yézidis sont triés : les hommes et les adolescents d'un côté, les femmes et les fillettes de l'autre. Les premiers sont exécutés, les secondes emmenées dans des bus et à l'arrière de camions. Elles seront ensuite vendues comme esclaves au fil des mois. Le nom de leur «maître» est consigné dans des registres des tribunaux de l'EI. Elles peuvent être revendues ou dans de très rares cas, libérées. Leur nouveau statut sera alors enregistré dans un document spécifique. L'institutionnalisation de cet esclavage sexuel a suscité des débats, jusque dans les rangs de l'organisation. A ceux qui mettaient en doute sa justification, l'EI a répliqué que les Yézidis, une confession syncrétique qui emprunte au christiannisme, à l'islam et au zoroastrisme, étaient des infidèles et des adorateurs du diable. Leurs femmes ne sont que des «butins de guerre», aptes à être battues, violées et vendues. L'énoncé de la doctrine visait autant à faire taire les réticences qu'à recruter de nouveaux volontaires parmi les sociétés musulmanes les plus conservatrices, où les relations sexuelles hors mariage sont interdites. Les arguments des communicants de l'EI ont, semble-t-il, porté. Une enfant de 12 ans a raconté au New York Times comment son bourreau lui expliquait «qu'en la violant il se rapprochait de Dieu». La fillette a réussi à s'échapper après onze mois de captivité et de viols répétés. Près de 5 300 Yézidies ont été kidnappées l'an dernier par les jihadistes de l'EI. Plus de 3 100 sont toujours prisonnières.
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