Une puissante bombe a ébranlé le centre de Bangkok, près d’un sanctuaire hindouiste très fréquenté par les touristes lundi soir, faisant au moins 18 morts, dont 4 étrangers, et 117 blessés selon un bilan donné par le ministère thaïlandais de la Santé. La bombe, placée sur une moto stationnée près du sanctuaire Erawan, dans le quartier commercial de la capitale, était constituée de 5 kilos de TNT, selon Somyot Poompanmoung, chef de la police thaïlandaise.
Le général Prawit Wongsuwan, vice-Premier ministre et ministre de la Défense, a affirmé peu après que les organisateurs de l'attentat visaient les touristes étrangers. «Il est clair que ceux qui ont fait cela visaient à détruire l'économie et le tourisme, parce que l'attentat a eu lieu au cœur du quartier d'affaires de Bangkok», a-t-il déclaré.
Alors que Bangkok, qui n’a jamais connu de tel attentat, était en état de choc, le général Prayuth Chan-ocha, Premier ministre et chef de la junte qui dirige le pays depuis le coup d’Etat de mai 2014, a nié qu’il avait déclaré l’état d’urgence, comme indiqué par certains médias locaux.
L’attentat n’a pas, pour l’instant, été revendiqué. Plusieurs hypothèses sont possibles, mais aucun élément ne permet de favoriser l’une d’entre elles.
L’extrême sud de la Thaïlande est en proie à une insurrection séparatiste musulmane récurrente qui s’est fortement intensifiée depuis 2004. Cette rébellion ethno-nationaliste – les habitants du sud sont à 80% des Malais musulmans – a causé la mort de 6 500 personnes dans la dernière décennie lors d’attentats à la bombe ou de fusillades. Jamais toutefois, les rebelles séparatistes n’ont étendu leur action au-delà de la région sud. S’il s’avérait qu’ils sont derrière l’attentat meurtrier de Bangkok, cela constituerait un changement radical de stratégie, indiquant que les séparatistes veulent internationaliser leur campagne contre le gouvernement central.
Chemises rouges
Deuxième hypothèse: l’attentat pourrait être lié à la situation politique très tendue dans laquelle se trouve le royaume depuis le coup d’Etat du 22 mai 2014. La junte militaire, qui a fortement restreint les libertés publiques et essaie de mettre en place une constitution qui limiterait le poids des politiciens élus, fait face à une résistance de plus en plus forte de la part de certaines sections de la population, notamment les étudiants, les universitaires et les Chemises rouges (les partisans de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, dont la sœur, Yingluck, dirigeait le gouvernement renversé lors du putsch).
La volonté de la junte de détruire le clan politique Shinawatra s’est traduite ces dernières semaines par une campagne pour retirer à Thaksin son grade de lieutenant-colonel de police et tous les titres qu’il avait reçus du roi de Thaïlande.
Il faut noter toutefois que ces groupes d’opposants n’ont jamais commis d’action violente contre la junte et se sont limités à des manifestations symboliques de résistance, comme défier la loi interdisant les rassemblements de plus de 5personnes. Le degré de sophistication de l’attentat permet de douter que ces groupes épars d’opposants en soient les auteurs.
Une troisième possibilité, peu évoquée dans les médias locaux, serait celle d’une faction militaire - ou même policière - rivale du groupe de généraux qui contrôlent le pays. Le Premier ministre Prayuth Chan-ocha a placé des officiers qui lui sont fidèles à l’ensemble des postes de commandements, marginalisant notamment une autre faction puissante, nommée Wongtewan en thaï .