Les autorités chinoises ont annoncé ce jeudi que des niveaux de cyanure jusqu’à 356 fois supérieurs au seuil de tolérance ont été relevés près du site des explosions survenues le 12 août dans la ville de Tianjin, à 140 km au sud-est de Pékin.
«Autant le cyanure de sodium que le gaz émis pendant l'incendie sous forme de cyanure d'hydrogène sont des poisons foudroyants à forte dose», indique à Libération Jacky Bonnemains, directeur de l'association environnementale Robin des bois qui a pour objet «la protection de l'homme». Le cyanure est une poudre blanche sans odeurs, appelée cyanure de sodium. Sous certaines conditions – dans un milieu acide, en présence d'eau ou de chaleur –, il se transforme en un gaz asphyxiant et rapidement mortel en cas d'exposition prolongée : le cyanure d'hydrogène.
«Une exposition chronique en milieu ouvert avec des faibles teneurs provoque des nausées, des convulsions, des migraines, des problèmes cardiaques, des sensations de brûlures, des lésions internes ou cutanées mais aussi des troubles du comportement par contact, inhalation ou par ingestion», précise Jacky Bonnemains.
«Niveau excessif»
Le seuil de potabilité fixé par l'OMS est de 50 µg/litre (soit 50 millionièmes de grammes). Or le Bureau de protection environnementale de Tianjin a annoncé qu'«un niveau excessif de cyanure a été détecté dans huit points [d'eau] différents» à l'intérieur de la zone d'isolement délimitée autour du lieu des déflagrations. «Le niveau le plus élevé correspondait à 356 fois le seuil de tolérance.»
Au lendemain de l'explosion d'un entrepôt qui contenait quelque 700 tonnes de cyanure de sodium à Tianjin, des barrages de terre et de sable ont été édifiés autour du lieu des déflagrations, dans un périmètre de 100 000 m2, afin d'éviter toute fuite de composants toxiques. Mais les pluies sur Tianjin ont fait craindre une contamination plus forte de la zone. «Les différentes formes de cyanure sont très solubles dans l'eau. Le cyanure est un produit dispersif», précise Jacky Bonnemains.
Des traces de cyanure ont été identifiées mercredi dans 25 points d’eau au sein de la zone d’isolement. Les autorités municipales se veulent rassurantes, et affirment que l’eau polluée est contenue à l’intérieur de la zone d’isolement. Sur 16 autres points testés en dehors, le cyanure n’a été détecté que dans six d’entre eux, à chaque fois en deçà des limites tolérées.
«Des milliers de tonnes de débris»
Pour Jacky Bonnemains, «la bonne nouvelle, c'est que le cyanure ne s'accumule pas dans les organismes et qu'il est excrété assez rapidement par voie urinaire». Mais il tempère, précisant que «les dépôts de cyanure et d'autres composants toxiques associés projetés par l'explosion et transportés par les panaches de fumées seront très difficiles à confiner. Les milliers de tonnes de débris métalliques, de cendres, de suie, de poussières émises par l'incendie et éjectées par l'explosion seront lessivées par la pluie et déplacées par le vent. La zone contaminée risque de s'étendre».
Jusqu'à présent, les accidents dans le monde impliquant du cyanure ont eu lieu hors milieu urbain. Ils ont le plus souvent provoqué des mortalités importantes de poissons et d'animaux sauvages. L'association Robin des bois pense que l'ensemble de la zone industrialo-portuaire, y compris le tissu urbain de proximité et les eaux littorales, va souffrir pendant plusieurs mois d'une imprégnation par les résidus de cyanure, au risque de contaminer les eaux superficielles, les captages d'eau potable et les sédiments.
L'association Robin des bois insiste aussi sur le fait que d'autres polluants, plus persistants que le cyanure, ont sûrement été libérés et envisage des pollutions radioactives. «C'est seulement plusieurs mois après la catastrophe qu'un bilan sanitaire et environnemental pourra être esquissé. Le retour à la normal n'est ni pour demain ni pour après-demain», explique Jacky Bonnemains.