La démission du Premier ministre gec, Aléxis Tsípras, et la perspective d'élections législatives anticipées en septembre ont provoqué dès ce vendredi leurs premiers effets. Concrétisant son idée annoncée le 13 août, l'ancien ministre de l'Energie Panagiotis Lafazanis a ainsi pris la direction d'un nouveau groupe parlementaire constitué d'au moins 25 députés dissidents de Syriza.
Les dissidents fondent Unité populaire
Représentant l'aile gauche de la coalition, déçus par la capitulation de leur représentant, ils se sont regroupés dans un groupe nommé Unité populaire, rapporte le site Left.gr, proche de la formation. Lors de l'adoption de l'accord sur 86 milliards d'aides débloquées sur trois ans, le 14 août, 32 députés Syriza avaient voté contre, et 11 s'étaient abstenus, sur les 149 élus au Parlement grec. Privé de la majorité nécessaire à la poursuite de ses réformes, Aléxis Tsípras en a tiré les conséquences en démissionnant jeudi soir.
Après cette démission, le président grec, Prokopis Pavlopoulos, a demandé à Vaguélis Méïmarakis, dirigeant du parti d’opposition de droite Nouvelle-Démocratie (ND), de tenter de former un gouvernement de coalition. La Constitution prévoit en effet que la démission du Premier ministre entraîne automatiquement la procédure des «mandats exploratoires» : les trois premiers partis d'opposition du Parlement, sur la base de leur nombre de députés, sont appelés l’un après l’autre à tenter de former un gouvernement de coalition dans un délai de trois jours. S’ils échouent, le président doit organiser des élections législatives anticipées.
Si la droite échoue à former un gouvernement de coalition, le groupe parlementaire «Union populaire» fondé par les dissidents de Syriza pourrait être amené à s'atteler à cette tâche. Si ce groupe n'avait pas été créé, c'est le parti néo-nazi Aube dorée, avec ses 17 députés, qui aurait été choisi.
Satisfaction des créanciers européens
Au sein des institutions européennes, la démission d'Aléxis Tsípras a été bien accueillie, les créanciers du pays y voyant une opportunité pour installer plus confortablement le nouveau plan d'aide et les réformes d'austérité qui l'accompagne. «Des élections anticipées en Grèce peuvent être le moyen d'élargir le soutien» à ce plan, a ainsi tweeté jeudi soir Martin Selmayr, chef de cabinet du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.
Swift elections in Greece can be a way to broaden support for ESM stability support programme just signed by PM Tsipras on behalf of Greece.
— Martin Selmayr (@MartinSelmayr) August 20, 2015
Vendredi, cette position a été confirmée officiellement lors d'une conférence de presse de la Commission, une porte-parole expliquant que l'institution n'est «pas surprise» par la décision du Premier ministre grec et n'est «pas inquiète» pour la mise en œuvre des réformes imposées à Athènes. Etant donné qu'elles ont été effectivement adoptées par le Parlement grec, avec l'aide des partis d'opposition, la Commission estime qu'«il n'y a pas besoin de nouvelle décision politique pour qu'elles soient accomplies».
Même son de cloche chez Jeroen Dijsselbloem, le président de l'Eurogroupe, qui a insisté à la télévision néerlandaise sur le fait qu'«il est crucial que la Grèce maintienne ses engagements envers l'Eurozone». «Il y a un vaste soutien pour le programme de réformes au sein du Parlement grec. J'espère que les nouvelles élections vont conduire à (encore) plus de soutien», a-t-il ajouté.
En Allemagne, Marcel Fratzscher, économiste allemand qui conseille Sigmar Gabriel, le ministre de l'Economie allemand, a considéré également que ces élections sont «une bonne nouvelle économique». Selon lui, «il y a de bonnes chances qu'elles amènent au pouvoir un gouvernement plus compétent et davantage pro-européen».
A gauche, «notre jugement a été trompé»
Au sein des forces de gauche européennes, en revanche, les développements des dernières semaines ont quelque peu douché les espoirs nés sept mois plus tôt lors de l'arrivée au pouvoir de Syriza. Après avoir apporté un soutien de principe au Premier ministre grec, le Parti de gauche français a affirmé vendredi matin, par la voix de son secrétaire national Eric Coquerel, qu'il soutiendrait désormais «ceux qui portent le programme d'Aléxis Tsípras», y compris si ce n'est pas Tsípras lui-même qui le fait. De son côté, Jean-Luc Mélenchon a expliqué dans un entretien à Sud-Ouest, avant la démission du Premier ministre grec : «Les Grecs ont voté non au plan européen et Tsípras l'a pourtant signé. J'espère que la gauche de Syriza aura un beau succès. Cela confirmerait le "non" du référendum. Tout cela montre que la situation est très volatile en Europe. Tout peut arriver.»
Dans une tribune pour Libération parue ce vendredi mais rédigée avant l'annonce de la démission, le philosophe Alain Badiou tire un bilan mélancolique : «notre jugement a été trompé». «La faute, à mes yeux, de Tsípras et de son groupe est, tout simplement, de n'avoir pas fait de politique quand, miraculeusement, et peut-être pendant quelques heures (le soir du référendum ?) il dépendait d'eux d'en faire. Après ce manquement, je crains que nous retournions au micmac ordinaire», écrit-il.