Après la démission, jeudi, du Premier ministre et l’annonce de nouvelles élections attendues pour le 20 septembre, la faction la plus à gauche du parti Syriza a décidé de faire sécession pour fonder un nouveau parti indépendant avec 25 parlementaires, selon les déclarations d’un vice-président du parlement grec, vendredi.
«Notre différence fondamentale avec la ligne d'Aléxis Tsípras est que nous voulons supprimer les mémorandums [par lesquels les bailleurs de fonds imposent au pays des mesures d'austérité, ndlr], pas les gérer. Il apparaît aujourd'hui que c'est soit l'euro et les mémorandums, soit la rupture», explique Stathis Kouvelakis à Libération.
Membre du comité central de Syriza, et appartenant au courant «plate-forme de gauche», il s'active aux côtés de l'ex-ministre au Redressement productif Panayotis Lafazanis à créer ce parti. Dans ce pays qui aime les symboles, le nom est déjà trouvé : Unité populaire… comme le parti de Salvador Allende. «Nous ne sommes pas le parti de la drachme, un parti ne se fonde pas sur une monnaie, poursuit Stathis Kouvelakis Nous devons mener une politique qui corresponde à des besoins sociaux.»
Cette scission compterait environ 25 députés et représenterait le troisième groupe le plus important du Parlement. La plupart de ces députés sont affiliés à la «plate-forme de gauche», mais d’autres s’y sont joints, comme Vangelis Diamantopoulos ou Rachel Makri, un proche collaborateur de Zoe Kostantopoulou, la présidente du Parlement qui pourrait elle aussi rejoindre ses rangs.
Reste à savoir quel pourcentage de la population les suivra. Car en organisant de manière aussi rapidement les élections, Aléxis Tsípras veut tuer dans l'œuf cette opposition de gauche. «Il ne donne pas le temps à son opposition interne de s'organiser. Or, elle subit elle-même des conflits, des malentendus, des différences stratégiques. Il est très difficile de les dépasser en un temps aussi bref», pressent le journaliste Yannis Androulidakis. Pour lui, il est même «impossible que les négociations aboutissent en dix jours car certaines personnes ne se sont pas parlé depuis dix ans !».
Quant à la droite grecque, et aux partis sociaux-démocrates, ils ont terriblement chuté depuis 2010 et n’ont plus de leader. Ils ne semblent donc pas constituer un danger immédiat pour Aléxis Tsípras.
Sa stratégie est-elle, alors, celle d'un fin politique qui fait tout pour maintenir son pays dans la zone euro… et se maintenir au pouvoir ? «Il va perdre des voix de gauche», affirme néanmoins le journaliste. Syriza, qui ne pesait que 4,5 % en 2009, a remporté l'adhésion en devenant un parti populaire de gens en colère, opposés aux mémorandums, aux taxations et aux baisses des salaires et pensions, critiquant les aides aux banques…
«A un mois des élections, les représentants de Syriza se font humilier par la gauche et par la droite car ils n'ont fait qu'accepter ce qu'ils dénonçaient», souligne Yannis Androulidakis. Les mesures, elles, ne sont pas encore passées et leurs effets ne se font pas encore sentir dans la population. C'est aussi pourquoi Tsípras, dont le gouvernement n'aura pas tenu huit mois, a subitement accéléré jeudi le calendrier.
Le paysage politique a beaucoup changé depuis que Syriza est arrivé en tête des législatives le 25 janvier avec 36 % des suffrages, et 149 députés sur 300. Syriza avait dû s’allier aux Grecs indépendants (droite souverainiste) pour obtenir la majorité. Une alliance sur la base du refus de l’austérité. Mais face à la pression des Européens, Tsipras a signé dans la nuit du 12 au 13 juillet un accord permettant à la Grèce de rester dans la zone euro et d’obtenir 86 milliards de prêts en échange de nouvelles mesures à appliquer : coupes dans les retraites, privatisations…
Le début de la fin pour sa majorité politique, certains de ses partisans dénonçant un «coup d'Etat» de l'Union européenne, privant le gouvernement de toute marge de manœuvre et l'obligeant à tourner le dos à ses promesses de campagne. «Nous sommes en contradiction avec notre mandat électoral et l'agenda social que nous avions fixé», soulignait, il y a quelques jours, Kostas Issychos, ex-ministre délégué à la Défense. Ce plan, voté le 14 août, n'est passé que grâce aux voix de l'opposition, celles des sociaux-démocrates du Pasok, des conservateurs de Nouvelle Démocratie, ou des élus de To Potami (centre droit). Au sein de la majorité gouvernementale, seuls 118 députés l'ont approuvé. Alexis Tsípras n'était donc plus en mesure de gouverner.
«Il ne peut actuellement pas diriger avec le Pasok ni avec Potami : il n'en a pas eu le mandat aux élections de janvier 2015», explique Yannis Androulidakis. Pour ce journaliste, des élections «lui permettront de renouveler son mandat, voire sa stratégie d'alliance, même si Tsípras affirme aujourd'hui qu'il ne veut pas gouverner avec un seul de ces deux partis». Au sein de son cabinet, certains affirment qu'il bénéficie d'une bonne cote de popularité et qu'il peut espérer frôler les 40 %.