Quelque 4 400 migrants ont été sauvés par les Italiens au large de la Libye samedi, une sorte de record. Du coup de la Macédoine, le gouvernement a finalement laissé passer les réfugiés qu'il bloquait à la frontière dans un chaos préoccupant : ceux-ci traversaient le pays dimanche et passaient en Serbie, pays qui en a accueilli 6 000 rien que samedi, selon la Croix-Rouge. Pendant ce temps, que fait l'Europe ? Elle ne se mobilise pas assez, déplorent des responsables italiens et allemands.
Outre-Rhin, où l'on attend 800 000 réfugiés cette année, soit quatre fois plus qu'en 2014, et où des actes de violence contre des foyers de réfugiés se sont multipliés ce week-end en Saxe, la gestion de cet afflux est «le plus grand défi de l'Allemagne depuis la réunification» du pays réalisée après la chute du mur de Berlin en 1989, a affirmé le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel (SPD), dans une interview à la chaîne ARD. Il a aussi fustigé la passivité des pays européens qui refusent d'accueillir plus de réfugiés ou de demandeurs d'asile. Pour lui, c'est une «énorme honte» que «la majorité des Etats membres disent : "Cela ne nous concerne en rien"».
«L’Europe en mode vacances»
«L'Europe est, d'une certaine façon, dans un sommeil profond et reste en "mode vacances"», a martelé le vice-chancelier, tout en prévenant, selon l'AFP : «Le grand acquis de l'ouverture des frontières se trouve naturellement en danger, si sur la durée, l'impression s'installe que ce sont seulement la Suède, l'Autriche et l'Allemagne qui accueillent un grand nombre de réfugiés.» Mais pour Gabriel, remettre en cause l'ouverture des frontières aurait des «conséquences dramatiques pour l'Europe».
De façon plus diplomatique, le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a lui estimé, dans une tribune au Frankfurter Allgemeine Zeitung, que «la réaction européenne jusqu'à présent n'était pas à la mesure des exigences que l'Europe doit avoir vis-à-vis d'elle-même». Il réclame une unification et un renforcement de la politique d'asile européenne – questions pour l'instant exclues mais dont la chancelière Angela Merkel pourra discuter ce lundi avec François Hollande, qu'elle accueille à Berlin.
«L’Europe soit redécouvrira son âme, soit la perdra pour de bon»
Côté italien, le ministre des Affaires étrangères est «très inquiet» devant l'attitude de ses partenaires. «Aujourd'hui, c'est sur cette question [de l'immigration, ndlr] que l'Europe soit redécouvrira son âme, soit la perdra pour de bon», estime Paolo Gentiloni dans une interview à Il Messaggero. Pour lui, l'Europe risque de montrer «le pire d'elle-même» : «Egoïsme, prises de décision hasardeuses et disputes entre les Etats membres.»
Gentiloni partage la crainte de Sigmar Gabriel : «De la côte sicilienne à Kos, de la Macédoine à la Hongrie et à Calais, les tensions montent et, au fil du temps, pourraient remettre Schengen en question.» Ce qui n'est pas la solution, à ses yeux. «Les migrants n'arrivent pas en Grèce, en Italie ou en Hongrie. Ils arrivent en Europe. Voilà pourquoi les règles d'accueil doivent être "européanisées".» On en est loin.