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Libération
Récit

Bon yuan mal yuan, la vie continue pour les Chinois

Face à la dégringolade des Bourses du pays, les autorités peinent à trouver des solutions, sans que la population en paraisse affectée.
Immeubles en construction à Ordo, dans le nord de la Chine (province autonome de Mongolie intérieure), en mai 2011 (Photo David Gray. Reuters)
publié le 24 août 2015 à 20h06

Même pour l'agence de presse officielle chinoise, c'est le grand «plongeon». D'ordinaire plutôt mesurée, Xinhua (Chine nouvelle) n'est pas allée par quatre chemins pour décrire le vent de panique qui a secoué, ce lundi, la Bourse de Shanghai. Il était 15 heures, heure chinoise, lorsque l'agence du parti unique a utilisé cette métaphore sportive dans un tweet envoyé à ses 2,4 millions d'abonnés. Un peu plus tôt dans la journée, elle avait déjà parlé de «lundi noir» pour qualifier cette chute historique : la première place boursière de Chine a clôturé en baisse de 8,49 %, le plus fort repli enregistré en une seule journée depuis… 2007. La Bourse de Shenzhen, la deuxième du pays, a elle aussi basculé, avec - 7,61 %. Après la dégringolade de la semaine dernière (- 11,54 %) et celle de juillet, la Bourse de Shanghai continue donc de voir rouge, entraînant une cascade d'autres piqués, aux quatre coins de la planète.

Après la publication, vendredi, de mauvais chiffres pointant un nouveau recul de l'activité manufacturière en Chine, les acteurs financiers avaient attendu, tout au long du week-end, une nouvelle action des autorités chinoises. Elle n'a pas eu lieu, et la débâcle a suivi. «La déroute en Asie intervient alors que l'on pariait sur une intervention imminente des autorités chinoises. L'absence d'initiative de Pékin, lundi matin, a aggravé la douleur des marchés», explique Jim Reid, analyste pour la Deutsche Bank, dans une note aux investisseurs.

Coup de jus monétaire

Il y a deux semaines, le gouvernement était pourtant déjà intervenu en dévaluant la monnaie nationale. Prise le 11 août, cette décision inattendue était censée booster le carnet de commandes des exportateurs chinois, pénalisés par un yuan fort et par une demande plus faible aux Etats-Unis, comme en Europe, pour les produits made in China. Mais entretemps, le pays a encore montré des signes de ralentissement.

Désormais, un possible hard landing (atterrissage brutal) de la deuxième économie mondiale inquiète certains économistes. L'indice chinois PMI du mois d'août, qui mesure l'activité dans le secteur manufacturier à travers le pays, pourrait être le plus mauvais depuis mars 2009. Les chiffres définitifs doivent être dévoilés le 1er septembre, mais une estimation provisoire, publiée le 21 août, indique une nouvelle contraction à 47,1 points (contre 47,8 en juillet), en dessous de la barre critique des 50.

«Les marchés boursiers chinois continuent de dégringoler parce que l'économie réelle continue, elle aussi, de ralentir. Et puis, il y a une bulle, analyse Gary Liu, vice-directeur du Lujiazui Institute of International Finance, au sein de la CEIBS, prestigieuse business school de Shanghai. Pékin est intervenu trop tôt. De toute façon, personne ne peut empêcher une bulle d'éclater. Il faut juste minimiser les dégâts.»

Dimanche, la capitale avait encore joué aux pompiers en autorisant son gigantesque fonds de pension (547 milliards de dollars, soit plus de 471 milliards d’euros) à investir jusqu’à 30 % de ses actifs nets en actions. Mais les analystes et investisseurs espèrent surtout un nouvel abaissement du taux de réserves obligatoires imposé aux banques. Attendu fin août ou début septembre, ce coup de jus monétaire serait le cinquième depuis novembre 2014 et devrait remettre du crédit dans la machine chinoise.

Malgré l'inquiétude et la pluie d'articles dans la presse internationale, la vie continuait, lundi, dans les principales villes du pays. Peu émus par les affres de la Bourse, les Pékinois avaient passé tout leur week-end à ironiser sur le yuebinglan, littéralement, le «bleu du défilé» : le contrôle de la pollution, renforcé d'un cran en vue de la grande parade militaire du 3 septembre, qui commémorera depuis la place Tiananmen le 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, a permis le retour du beau temps à Pékin…

Calme trompeur

A plus de 1 800 kilomètres au sud-ouest, les habitants de Chengdu, capitale provinciale du Sichuan, semblaient eux aussi faire peu de cas des péripéties boursières. Lundi vers midi, une émission entendue à la radio dans un taxi local débattait des vertus diététiques d'un champignon connu pour ses propriétés laxatives. Et ailleurs dans la ville, une foule de touristes chinois, armés de parapluies, continuait de prendre en photo les magnifiques bonsaïs du temple Wuhou, où est honorée la mémoire de Zhuge Liang, célébrissime stratège militaire du IIIe siècle.