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Libération

La Russie condamne le réalisateur ukrainien Oleg Sentsov à 20 ans de prison

Le réalisateur ukrainien Oleg Sentsov, opposant à l'annexion de la Crimée par la Russie, a été condamné ce mardi par la justice russe à 20 ans de prison pour «terrorisme».
Le réalisateur ukrainien Oleg Sentsov à l'énoncé du verdict lors de son procès au tribunal de Rostov-sur-le-Don dans le sud-ouest de la Russie, le 25 août 2015 (Photo Sergei Venyavsky. AFP)
par AFP
publié le 25 août 2015 à 11h37
(mis à jour le 25 août 2015 à 16h50)

Il s'opposait à l’annexion de la Crimée par la Russie. Le réalisateur ukrainien Oleg Sentsov a été condamné mardi par la justice russe à 20 ans de colonie pénitentiaire pour «terrorisme», au terme d’un procès dénoncé par Kiev, par les Occidentaux et par des cinéastes européens.

«La cour a condamné Oleg Sentsov à 20 ans de prison», a déclaré le juge pendant le très bref énoncé du verdict. La condamnation d'Oleg Sentsov est assortie d'une mesure de détention «à régime sévère», qui prévoit des conditions plus draconiennes, notamment sur l'accès au parloir et la fréquence du courrier.

Militant écologiste ukrainien également jugé aux côtés du réalisateur, Alexandre Koltchenkoa a quant à lui été condamné à une peine de 10 ans. Tous deux comparaissaient pour «terrorisme», «organisation d’un groupe terroriste» et «trafic d’armes» dans une affaire qu’ils jugent politique.

A l’énoncé du verdict, Oleg Sentsov et Alexandre Koltchenko ont d’abord souri, frondeurs. Et quand le juge leur a demandé s’ils avaient compris le verdict, les deux hommes se sont tenus par les épaules avant d’entamer l’hymne national ukrainien.

Une justice rappelant les «procès staliniens» pour Amnesty International

L'avocat du réalisateur, Dmitri Dinze, a annoncé que son client allait faire appel et a dénoncé une condamnation allant «au-delà de l'injustice et du non-droit» selon l'agence de presse russe Tass.

«Tiens le coup Oleg! Le temps viendra pour ceux qui ont organisé ce procès contre toi d'être sur le banc des accusés», a réagi le président ukrainien Petro Porochenko, l'ambassadeur américain en Ukraine Geoffrey Pyatt dénonçant pour sa part une condamnation «honteuse». L'ONG Amnesty International a pour sa part évoqué une justice rappelant les «procès staliniens».

Le tribunal n'a pas complètement suivi le procureur qui avait requis 23 ans de prison contre Oleg Sentsov, l'avocat du réalisateur plaidant l'acquittement et martelant que son client n'avait «jamais créé la moindre organisation terroriste».

A la barre, le réalisateur avait fustigé une justice d'«occupants», en référence à l'annexion de la Crimée par la Russie, s'était moqué du «nain sanguinaire» Vladimir Poutine et avait évoqué les actes de torture dont il affirmait avoir été victime en prison. «Quand on vous met un sac sur la tête, qu'on vous frappe, vous pouvez en une demi-heure oublier ce en quoi vous croyez et avouer tout ce qu'on vous demande. Mais que valent vos convictions si vous n'êtes pas prêt à souffrir pour elles ?», avait-il lancé dans sa déclaration finale.

Soutien des cinéastes européens

Arrêté en mai 2014 à son domicile de Crimée, Oleg Sentsov a été reconnu coupable d’avoir coordonné les activités d’un groupe de militants affiliés au mouvement paramilitaire ultranationaliste ukrainien Pravy Sektor (Secteur Droit), qui avaient pour mission de frapper les organisations prorusses et les infrastructures de la péninsule.

Mais s’il a reconnu avoir été présent à Kiev pendant les événements du Maïdan, le mouvement de contestation pro-européen ayant conduit à la chute du président prorusse Viktor Ianoukovitch, ce père de deux enfants a toujours nié en bloc les faits qui lui sont reprochés.

L'Union européenne, les Etats-Unis et les autorités à Kiev avaient appelé à sa libération, le réalisateur recevant aussi le soutien de ses collègues. Une pétition de soutien pour exiger sa libération a ainsi été publiée par l'European Film Academy, qui regroupe quelque 3 000 professionnels du cinéma. Ken Loach, Wim Wenders et Aki Kaurismäki font partie des signataires. Plusieurs cinéastes russes, d'Alexandre Sokourov au conservateur Nikita Mikhalkov, ont aussi demandé à Vladimir Poutine sa libération.

Oleg Sentsov et Alexandre Koltchenko ne sont pas les seuls Ukrainiens incarcérés en Russie pour «terrorisme» ou «espionnage». Selon le ministre ukrainien des Affaires étrangères «onze prisonniers politiques ukrainiens sont incarcérés dans les prisons russes».