La chancelière a-t-elle réagi trop lentement pour condamner l’attaque d’un foyer de demandeurs d’asile le week-end dernier par des manifestants néonazis dans la petite ville saxonne d’Heidenau ? Cette question ne se pose plus. Mercredi, Angela Merkel est allée rendre visite aux demandeurs d’asile d’Heidenau. Et en dépit des sifflets de 200 à 300 manifestants d’extrême droite, elle y a condamné ces débordements haineux.
Mardi, l'Allemagne avait annoncé qu'elle renonçait à renvoyer les Syriens vers leur pays d'entrée dans l'UE, décision déjà discrètement mise en œuvre. «L'Europe est dans une situation qui n'est pas digne de l'Europe», a lancé Merkel. Un avis partagé par les Allemands. «Les sondages montrent que 60 % de la population pense que l'Allemagne est capable de faire face au défi de l'intégration de centaines de milliers de réfugiés. De très nombreuses initiatives privées d'aide aux réfugiés ont déjà vu le jour. C'est un fait totalement inédit dans l'histoire allemande», estime le professeur Funke, l'un des principaux spécialistes allemands de l'extrême droite et des questions migratoires. Si Angela Merkel n'a pas particulièrement innové, les experts s'accordent cependant sur un point : c'est bien sous sa houlette que la droite allemande a accepté l'immigration. «Sans le dire clairement, elle a inscrit son action dans la ligne impulsée par les gouvernements rouge-vert [le SPD et Die Grünen, équivalents respectifs du Parti socialiste et d'Europe Ecologie-les Verts, ndlr], et de Schröder [l'ex-chancelier SPD] qui ont rénové le droit de la nationalité et mis l'accent sur l'intégration des étrangers», précise Hajo Funke.
Les gouvernements Merkel successifs ont peu à peu modernisé le droit des étrangers et simplifié le droit d’asile, notamment en facilitant leur accès au marché du travail. Le renforcement du dialogue interculturel et interreligieux ou encore la question de l’enseignement de l’islam à l’école ont aussi conduit à la création de la Conférence sur l’islam, un cadre permanent de rencontres entre représentants des communautés religieuses musulmanes et de l’Etat fédéral. De manière générale, on peut constater la volonté d’ouverture du monde politique allemand, qui s’est engagé en faveur d’un discours positif à l’égard des étrangers.
D’autres facteurs ont joué. Le vieillissement du pays, conjugué à une économie high-tech qui tourne à plein régime, laisse prévoir une pénurie croissante de main-d’œuvre qualifiée. Les patrons allemands ont rejoint le chœur de ceux qui veulent accueillir et intégrer les étrangers.
Résultat, la droite «merkelienne», qui n’a pas non plus manqué de constater que la droitisation de l’UMP sous Sarkozy avait avant tout profité au Front national, a toujours refusé d’écouter les sirènes xénophobes.