Menu
Libération
Balkans Express, étape 1

La Macédoine, porte d’accès à l'Union européenne

«Libération» suit le chemin emprunté par les migrants syriens pour atteindre l'Europe de l'Ouest. Première étape à Gevgelija, en Macédoine, pour les réfugiés venus de Grèce.
Des migrants attendant leur tour pour traverser la frontière entre la Grèce et la Macédoine, ce dimanche. (Photo Achilleas Zavallis pour Libération)
publié le 30 août 2015 à 14h51

«Makedonia ! Makedonia !» L'homme crie de joie en faisant tournoyer sa veste au-dessus de sa tête. L'étape grecque de son voyage vient de s'achever. Et il s'est déjà débarrassé de la carte d'enregistrement (une sorte de permis valable trois mois) que lui avaient fourni les autorités grecques, pas plus tard que la veille au soir. Le voilà arrivé à Gevgelija (prononcez Guevgueliya), la porte des Balkans slaves. Il ne sait pas encore qu'il y passera à peine plus d'une journée. La route, qui avait pendant des mois été décrite par les réfugiés comme l'enfer des Balkans, avec son cortège de rançonnage, de kidnappings, d'agressions et de vexations en tous genres, s'est au fil du temps muée en traversée express. Extrêmement balisée, avec un seul objectif : faire que les réfugiés, à 80% des Syriens, selon les ONG, ne restent pas coincés dans ces petits pays du Sud qui n'ont pas les moyens de les accueillir à long terme.

Le Balkan Express démarre d'ailleurs en Grèce. Amenés jusqu'à Salonique en ferry, les migrants, débarqués quelques jours plus tôt sur les côtes des îles de Kos ou de Lesbos, sont dirigés en train ou en bus vers la frontière. Direction : Gevgelija. Mais ils ne passent pas au poste frontière. Ils vont derrière la voie ferrée. Là, les policiers grecs les divisent en petits groupes de 50 à 60. Que les policiers macédoniens réceptionnent. «Il y a une sorte de coopération entre nos polices», reconnaît un agent macédonien de la police des frontières, appelé en renfort pour faire face à l'afflux de migrants.

Ces groupes sont ensuite amenés un par un, avec un intervalle d’une demi-heure, dans une espèce d’aire de transit, un terrain déblayé par l’armée, flanqué de quelques tentes – les unes pour y déposer de l’eau et de la nourriture, les autres pour permettre aux personnes fatiguées de se reposer à l’ombre, et une autre plus grande où la police délivre individuellement une sorte de laissez-passer d’une durée de 72 heures aux personnes ne souhaitant pas demander l’asile à la Macédoine.

Quatre ou cinq trains par jour

Jeudi, ce sont 3 900 personnes, selon un responsable du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) sur place, qui sont passées par ce point de transit. Vendredi matin, à 9 heures, on comptait déjà 1 000 passages. Une fois enregistrés, et réhydratés, les réfugiés partent vers des trains ou des bus (compter 10 euros le billet pour le train, 20 euros pour les bus). Il y a au moins quatre ou cinq trains par jour. Quatre à cinq heures plus tard, ces trains et bus débarquent à Tabanovce, la sortie nord du pays, à la frontière de la Serbie. Les migrants devront une fois encore franchir la frontière à pied.

Ils n’auront rien vu de la Macédoine. L’aire de transit – même le HCR ne veut pas parler de camp – se trouve à quelques kilomètres du centre de Gevgelija. Pendant des mois, les migrants avaient erré à travers villes et villages, ne se mouvant que la nuit, avec interdiction d’utiliser les moyens de transport publics. Ils avaient été écrasés sur les voies, étaient tombés dans les griffes de kidnappeurs, avaient payé des pots-de-vin à des policiers corrompus, ou été contraints d’acheter des vélos à des prix exorbitants. Tout cela jusqu’à la mi-juin, quand sous la pression locale et internationale, le parlement a voté une loi accordant un statut de transit aux réfugiés.

Ce changement d’attitude a créé un appel d’air et la route des Balkans (déjà empruntée par 200 000 personnes depuis janvier) est devenue la principale voie d’accès à l’eldorado européen. La Macédoine a eu du mal à faire face à cet afflux continu. Un accrochage a eu lieu la semaine dernière entre migrants et policiers. Mais la création, il y a cinq jours de cette aire de transit, où stationnent trains et bus, à l’écart de la ville impuissante à régler ne serait-ce que les questions de voirie, a grandement facilité la poursuite de ce mouvement migratoire. La nouvelle s’est vite répandue sur les réseaux sociaux.