Provenance, Budapest. Direction Munich. Il est un peu plus de 17 heures en ce lundi caniculaire, lorsque le Railjet de la compagnie des chemins de fer autrichiens annonce une halte en gare de Vienne. C’est un train historique. Le premier à arriver de Hongrie depuis que Budapest a pris la lourde responsabilité de faire voler en éclat, unilatéralement, les règles de Schengen et celles de Dublin II, règles qui veulent que les demandeurs d’asile patientent dans le premier pays de l’Union européenne où ils sont arrivés, en attendant le traitement de leur dossier.
Les wagons sont chargés de migrants, presque uniquement des hommes, jeunes : il s’agit de ceux qui se sont imposés en premier à Budapest, pour entrer dans les rames. Le train a plus de cinq heures de retard et aucun réfugié n’en sort. Seuls les passagers hongrois et autrichiens, ainsi que des touristes japonais, hagards, s’extirpent difficilement des wagons bondés, avec l’aide de la police.
«On est restés bloqués près de quatre heures à la frontière entre la Hongrie et l'Autriche, s'insurge une jeune Hongroise, paniquée de perdre son emploi à cause du retard. Personne n'est venu s'occuper de nous, c'est complètement dingue ! Les migrants essayaient de nous intimider, pour qu'on ne dise rien et la police hongroise n'est pas venue une seule fois, jusqu'à notre arrivée à Vienne.»
3 650 migrants dans les trains
Dans la capitale autrichienne, les forces de sécurité sont bien là. Mais elles semblent surprises de constater que la quasi-totalité des migrants veulent poursuivre leur périple jusqu'à Munich et ne pensent même pas faire escale dans cette grande ville riche et cosmopolite, la première qu'ils rencontrent, pourtant, depuis leur départ il y a plusieurs semaines. «On veut juste passer, sans avoir de problèmes», explique rapidement un Somalien. La plupart des exilés ne veulent plus croiser de journalistes.
En tout, selon un bilan policier, 3 650 migrants ont pris d’assaut, lundi, les 17 trains qui relient quotidiennement les deux capitales habsbourgeoises. Cet afflux a poussé les autorités à évacuer, mardi matin, la gare internationale de Budapest pendant une heure et à suspendre le trafic. Mais, selon les décomptes préliminaires, seuls des Afghans ont déposé une demande d’asile en Autriche. Six Afghans sur des milliers de personnes.
Tous les autres exilés rêvent de se jeter dans les bras de «Mama Merkel», comme les Syriens, notamment, surnomment la chancelière allemande, seule Européenne à la voix qui porte, assez sûre de son poids politique pour tenir un langage d'ouverture. La gifle est violente pour l'Autriche, qui jusqu'ici se considérait comme un pays de destination, mais qui s'est transformée, en six mois seulement, en un simple terrain de transit, comme ses voisines de l'Est, du fait de son discours sécuritaire intransigeant et des conditions déplorables dans lesquelles les migrants, notamment mineurs, y sont accueillis.
Soutien de la population viennoise
La police tchèque, contrairement à celle de l’Autriche, a arrêté les migrants qui se présentaient sans papiers à sa frontière lundi, les empêchant de continuer leur chemin vers l’Allemagne. 200 personnes seraient concernées, des Syriens pour la plupart, dont 61 enfants. C’est la première arrivée massive de migrants en République tchèque depuis le début de la crise.
Dans la nuit de lundi à mardi, seules 300 à 400 personnes dormaient en gare de Vienne, aidées par des gestes spontanés de la population et soutenus par 20 000 manifestants qui, dans la rue, sont venus crier leur indignation, face aux dirigeants du pays qui ne tentent aucunement de retenir les réfugiés, contrairement là encore aux règles communautaires. 2 000 migrants ont aussi passé la nuit dans la petite gare de la ville de Salzbourg. Ce mardi matin, c’était déjà la ruée vers Düsseldorf ou Munich. Selon la police allemande, entre 2 000 et 2 200 migrants seraient arrivés par le rail en Allemagne, depuis la Hongrie, ces trente dernières heures.
Symbole criant du décalage entre la classe politique autrichienne et une partie de la population, l'extrême droite organisait ce mardi matin une conférence de presse… pour annoncer fièrement le ralliement de la maire conservatrice du richissime Ier arrondissement de Vienne au parti xénophobe FPÖ.