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Migrants : tour d'horizon des initiatives citoyennes en Europe

Forum : «Migrants, la solidarité au travail»dossier
Même avec des petits moyens, ils agissent. Florilège européen non exhaustif des actions humanitaires, de plus en plus nombreuses.
Cours de français, le 11 août 2015 dans la «nouvelle jungle», à Calais. (Photo François Lo Presti. AFP)
par Thomas Laborde et Jérémie Cazaux
publié le 4 septembre 2015 à 15h15
(mis à jour le 30 novembre 2016 à 13h15)
D’Internet à l’action en mer, les citoyens sont nombreux, ces derniers mois, ces derniers jours, à s’investir ou à vouloir le faire, ne pouvant plus être simples spectateurs du drame.

Crowdfunding

Des pages de financement participatif fleurissent partout en ligne. A l’image de celle consacrée à un migrant syrien vendant des stylos dans les rues de Beyrouth. A ce jour, la page a reçu plus de 180 000 dollars de dons.
Autre exemple, un couple, propriétaire d’un pub de Londres, a décidé d’aller fournir lui-même aux migrants de Calais des repas décents, agrémentés d’un moment chaleureux d’échanges. Espérant récolter 5 000 livres, l’équipe en a reçu plus de 9 000 à deux jours de l’échéance.
Un fonds spécifique, en référence à l’enfant syrien trouvé mort la tête dans le sable sur une plage turque, a été créé. Plus de 28 000 livres sterling ont déjà été récoltées. Le montant de la cagnotte grimpe à vue d’œil.

Sur les réseaux sociaux

En Belgique, une page créée hier, le 2 septembre, s’est donné l’objectif de coordonner les différentes actions citoyennes et de partager les informations à leur propos. Aujourd’hui, le lendemain de la création, plus de 8 000 personnes suivent l’actualité de la page «Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés Bruxelles».
En réaction à l’annonce de son gouvernement d’accueillir 50 réfugiés syriens, une écrivaine islandaise, stupéfaite d’une offre aussi ridicule, a lancé un appel sur Facebook. Plus de 16 000 de ses compatriotes ont répondu. Une majorité s’est dite prête à aider, notamment en proposant un hébergement. Un document a été mis en ligne demandant à chacun de préciser de quelle manière il envisageait d’aider. Citée par Slate, l’auteure a commenté : «Les gens veulent que quelque chose se fasse.»

En mer

Quelques citoyens téméraires ont pris les choses en main, à leur manière, finançant un bateau de patrouille en mer pour lancer des alertes et secourir ceux qu’ils peuvent.

Les plus connus, Christopher et Regina Catrambone, Italo-Américains, ont monté une ONG autour de leur navire, le Phoenix : Migrant Offshore Aid Station (MOAS). Bénéficiant d'énormes moyens financiers – le couple est millionnaire– ils fondent l'association en 2013. Elle dispose notamment de drones pour repérer les embarcations de migrants. Sur Twitter, l'ONG se félicitait, vendredi matin, d'avoir collecté plus de 600 000 euros de dons ces deux derniers jours.

Lui est Allemand. Entrepreneur web, il est devenu marin sauveteur, montant Sea Watch. Harald Höppner a investi son propre argent (plus de 100 000 euros) pour créer son projet et acheter un bateau. Un journaliste allemand, Ruben Neugebauer, embarqué pendant deux semaines à bord du navire privé, racontait en juillet 2015 pour le magazine Cafébabel les premières missions de sauvetage : «Par moments [quand les bateaux de MOAS ou de Médecins sans frontières sont complets, ndlr] nous sommes le seul navire civil dans cette région.»

Français, Allemands, Italiens, Grecs sont réunis autour de l’association SOS Méditerranée, dont le but est de créer un réseau de navires et d’équipages, prêts à intervenir en mer. Sauvetage, soins d’urgence, soutien psychologique et accompagnement sont leurs objectifs. Créée en mai 2015 et présidée par un capitaine de marine allemand, la structure lance une opération le 12 septembre pour finaliser l’achat d’un premier bateau destiné à voguer entre l’Italie et la Libye au secours des migrants.

Chez vous

Des plates-formes de mise en relation de migrants avec des personnes désireuses de les héberger émergent un peu partout. En Allemagne, le projet Refugees Welcome fait ses preuves, tandis qu’en France, le dispositif CALM reçoit ses nombreuses premières propositions de logement.

Jusque dans les stades de foot

La violence et le racisme dans le milieu des supporteurs de foot sont souvent évoqués. Face à la crise migratoire, c’est un autre visage qui se dévoile dans les stades.
En Allemagne, des clubs de Bundesliga (la Ligue 1 allemande) comme ceux d’Hanovre, Dortmund ou Munich et leurs supporteurs ont invité des migrants à des matchs. Et dans les gradins, les spectateurs sont nombreux à afficher, à l’aide de larges bannières, leur soutien aux nouveaux arrivants.
Le club le plus titré d’Allemagne a décidé de venir en aide aux réfugiés en organisant un match amical pour récolter un million d’euros. En étroite collaboration avec le ministère de l’Intérieur de Bavière, le Bayern de Munich promet aussi de mettre en place un camp d’entraînement pour les jeunes réfugiés qui bénéficieront de repas, d’équipements de football et de cours d’allemand.

Dans les stades britanniques, le message est le même : «Refugees Welcome». Pendant les matchs de Manchester United, les banderoles favorables à l’accueil des migrants fleurissent. Idem du côté du Celtic Glasgow. Face à l’immobilisme des pays, on peut dire que les supporteurs, souvent décriés, marquent un but.

Insolite

Naguib Sawiris, un milliardaire égyptien, a interpellé la Grèce et Italie sur Twitter, les invitant à lui vendre une île, sur laquelle il accueillera des migrants.

«Je leur fournirais des emplois grâce à la construction de leur nouveau pays», a-t-il écrit sur le réseau social. Si le prix d'une île peut varier entre «10 et 100 millions de dollars», l'homme d'affaires a précisé à l'AFP que «la question principale était l'investissement dans les infrastructures». Au vu de ses commentaires sur Twitter, il semble sérieux, écrivant même que plusieurs îles pouvaient être achetées.

Une librairie mobile pour migrants de Calais ? Une idée saugrenue au regard du niveau d’urgence sanitaire du camp de réfugiés. Pourtant, Mary Jones, l’enseignante britannique à l’origine du projet est convaincue de son utilité, comme en témoignent ses propos rapportés par The Guardian : «Les gens, ici, ont besoin de lire pour apprendre l’anglais, postuler pour un travail ou simplement s’évader de la réalité le temps d’un instant.» Surnommé «Les livres de la jungle», le petit temple met à disposition des 3 000 migrants du camp des dictionnaires, des romans, des magazines. L’initiative s’ajoute à d’autres, permettant aux personnes d’avoir un quotidien un peu plus décent. On compte déjà parmi les tentes et les baraquements un bar, deux églises de fortune, une mosquée, une école, un magasin de vélos et un barbier. Pour partager des livres, il suffit de contacter l’enseignante : maryjones@orange.fr.
En France, dans tout le pays, de nombreuses autres initiatives sont portées par des associations et des collectifs. Une carte de Libération s’attelle au recensement de ces projets. Trouvez le plus proche de chez vous ou celui qui correspond à vos possibilités et envies, par géolocalisation ou par type d’aide envisagé.