Des hommes d'affaires sur leur trente-et-un. Des écoliers qui courent pour leur rentrée des classes. Des trains à l'heure. Difficile, ce lundi matin, de croire que 900 migrants ont encore dormi à la gare de l'Ouest, à Vienne. Tout proche, le centre d'accueil pour les réfugiés est une vraie caverne d'Ali Baba. On y trouve tout ce que les Viennois ont offert : des tonnes de bouteilles d'eau, des chariots de petits pots, des montagnes de vêtements. «Pour l'instant, on a tout ce qu'il faut», confirme Sophie Neurad, une bénévole.
Un train spécialement affrété par la compagnie autrichienne des chemins de fer ÖBB a quitté la gare dans la matinée pour Munich, avec 650 migrants. Deux autres convois devaient partir dans la journée. Matthias Drexel, de l'association Caritas, peut souffler. «On sera là le temps qu'il faudra, affirme-t-il toutefois. Nous avons une réunion chaque matin avec la police et l'ÖBB, pour savoir à peu près combien de personnes vont venir de Hongrie.»
Elan de générosité. «Nous avons envoyé deux de nos employés à Budapest, pour qu'ils nous informent de ce qui s'y passe, explique Michael Braun, un porte-parole des chemins de fer. Notre objectif pour la semaine qui vient, c'est que le passage des migrants puisse se faire, que l'on soit capable d'affréter encore des trains spéciaux si nécessaire, tout en gênant le moins possible le trafic régulier.» Car pendant que se déroule cette crise, exceptionnelle pour ce pays de seulement 8,3 millions d'habitants, les Viennois continuent de voyager, de se rendre au travail. S'ils comprennent, dans leur majorité, la nécessité d'aider les réfugiés à rejoindre l'Allemagne, ils se demandent aussi jusqu'où cela va les mener. «Ça paraît irréel, normalement, on voit cela à la télé», réagit Isabella Grac, 17 ans.«Je crois que les médias en rajoutent un peu dans le pathos, surenchérit le jeune Stefan Huber. On a la capacité d'accueillir des milliers de personnes. La question, c'est plutôt comment va-t-on les intégrer. Quand je vois tous ces gens, je me dis qu'ils idéalisent un peu les pays occidentaux.»
Le gouvernement sait qu'après le formidable élan de générosité du week-end dernier, les Autrichiens vont bientôt s'inquiéter d'une crise faite pour durer. Et qu'aux élections du 11 octobre, sur fond de chômage en hausse, l'extrême droite est promise à un score exceptionnel. Le chancelier autrichien, le social-démocrate Werner Faymann, s'active donc pour faire comprendre aux autorités européennes et au Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, que cette situation ne peut être que «temporaire». Dès ce lundi, il a rencontré ses homologues tchèque et slovaque pour tenter de leur faire accepter l'idée de répartir les réfugiés dans toute l'Union, selon ce système encore décrié des fameux quotas. Il a déjà prévenu que les frontières de son pays ne resteront pas ouvertes éternellement.
Orbán «disqualifié». Faymann, qui affiche sa bonne entente avec la chancelière allemande, est très sévère envers les autorités hongroises. Dans une interview au tabloïd Österreich, il accuse l'homme fort de Budapest d'être un menteur. «Orbán nous a dit, à Merkel et à moi, qu'il n'y aurait pas plus de 4 000 [migrants]. Dès le début, je ne l'ai pas cru», peut-on lire. Selon Faymann, en créant un tel «chaos», Orbán se serait «disqualifié politiquement». Ce dernier a répondu en suggérant à Vienne et Berlin de fermer leurs frontières et de «dire clairement» qu'aucun réfugié ne sera plus accueilli. Sinon, prévient-il, «plusieurs millions» viendront en Europe.