New York, 6 septembre 2000. L’une des plus importantes grand-messes du siècle vient tout juste de s’ouvrir sur l’East River, à Manhattan. Répondant à l’appel du secrétaire général des Nations unies d’alors, Kofi Annan, monarques, présidents et Premiers ministres des 189 Etats membres vont se côtoyer durant trois jours. Amis, ennemis, ils sont presque tous là. Côte à côte, Bill Clinton, Fidel Castro, le vice-Premier ministre irakien Tarek Aziz, Hugo Chávez, Ehud Barak, Yasser Arafat et Jacques Chirac. A quelques mois du troisième millénaire, Kofi Annan veille à ce que ce rassemblement exceptionnel ne se réduise pas à une litanie de discours fleuves et de promesses sans lendemain. Gagné.
Trois jours plus tard, les 189 Etats adoptent les objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Réduire de moitié l’extrême pauvreté entre 1990 et 2015, assurer l’éducation primaire pour tous, diminuer la mortalité infantile… Les OMD présentent l’avantage d’être simples dans leur énoncé. Une date butoir est fixée pour en faire le bilan. Ce sera en 2015. Ces 26 et 27 septembre, rendez-vous est pris à New York.
D'après le rapport sur les OMD présenté mi-juillet par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, «les objectifs du millénaire pour le développement ont donné naissance à un mouvement de lutte contre la pauvreté sans précédent dans l'histoire». Le rapport confirme que l'établissement d'objectifs a permis de sortir des millions de personnes de la pauvreté, d'accroître l'autonomie des femmes et des filles, d'améliorer la santé et le bien-être général, d'offrir des possibilités d'accéder à de meillleures conditions de vie.
Barre. Il y a vingt ans, près de la moitié de la population des pays en développement vivait dans l'extrême pauvreté. Ce nombre a baissé de plus de 50 % (de 1,9 milliard en 1990 à 836 millions en 2015). Sur cette période, le monde a en effet été capable de réduire de moitié la proportion de la population mondiale dont le revenu est inférieur à 1 dollar par jour (90 centimes d'euro). Pour autant, franchir cette barre symbolique ne signifie pas que ces populations soient tirées d'affaire.
Depuis l’adoption des OMD, des progrès spectaculaires en matière d’égalité des sexes ont par ailleurs été réalisés dans le domaine de l’éducation, dans la majorité des pays. Les filles sont plus souvent scolarisées et, au cours des vingt dernières années, les femmes ont gagné du terrain en matière de représentation parlementaire dans près de 90 % des 174 pays disposant de données sur le sujet. Le taux de mortalité maternelle a également diminué de 45 % dans le monde, l’essentiel de cette baisse ayant eu lieu depuis 2000.
Disparité. Ces résultats, plutôt positifs, sont essentiellement le fait de la croissance enregistrée en Amérique latine et en Asie - principalement en Chine. En Afrique subsaharienne, la part de ceux qui vivent avec moins de 1 dollar n'est passée que de 57 % à 41 %, soit une baisse de moitié inférieure à l'objectif fixé en 2000. Et les inégalités sociales ont progressé à l'intérieur de pratiquement tous les pays.
La même disparité géographique dans l’atteinte des OMD vaut pour d’autres cibles, comme la réduction de deux tiers de la mortalité des enfants : les régions qui ont atteint leurs objectifs ou qui en sont proches sont aussi celles qui ont enregistré des taux de croissance réguliers et élevés. Nombre d’observateurs estiment que s’ils ont permis de préparer les esprits, d’attaquer de front certains problèmes de développement et de fixer des points de repères utiles, les OMD ont mis l’accent davantage sur les symptômes que sur les causes. Les OMD seraient ainsi trop axés sur une lecture comparative (avant-après) sans forcément se plonger dans les racines de ces évolutions.
A New York, lors de l’assemblée générale des 26 et 27 septembre et une fois tiré le bilan des OMD, les 193 Etats membres actuels de l’ONU se fixeront une nouvelle série d’objectifs. Ils porteront sur le développement durable (ODD), dont la vocation universelle doit, selon les experts de l’ONU, transcender le clivage Nord-Sud. Discutés depuis plus d’un an et validés début août, ces ODD prennent la relève des OMD. Elimination de la pauvreté d’ici à 2030, forte réduction des inégalités partout dans le monde, fin des discriminations contre les femmes, gestion efficace du changement climatique… La feuille de route est plus qu’ambitieuse. Elle marque surtout le passage des objectifs pour les autres (OMD) à des objectifs pour tous (ODD).