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Munich: «Tant que les réfugiés auront besoin de nous, on sera là»

L'Allemagne attend 40 000 réfugiés ce weekend, le double du précédent. Des voix s'élèvent pour dire stop. En attendant, de nombreux bénévoles s'engagent. Ils expliquent pourquoi.
Des familles de migrants à leur arrivée le 6 septembre à la gare de Munich, en Allemagne (Photo Christof Stache. AFP)
publié le 12 septembre 2015 à 14h13
(mis à jour le 13 septembre 2015 à 10h19)

Ce week-end, l’Allemagne attend 40 000 réfugiés arrivant d’Autriche et de Hongrie, selon Frank-Walter Steinmeier, ministre des Affaires étrangères. Un record, le double du week-end dernier, qui était déjà un record. La plupart arriveront par Munich, qui pourrait recevoir en deux jours plus que pendant toute l’année 2014. On ne sait pas trop comment le système, totalement engorgé, peut encore fonctionner, et plusieurs voix affirment qu’à un moment, il faudra dire stop.

«On a perdu le contrôle», a pointé vendredi Hans-Peter Friedrich, chef adjoint de la CSU bavaroise, alliée d'Angela Merkel. Pour lui, le geste de bienvenue de la chancelière envers les réfugiés est «une erreur de jugement sans précédent». Même avis du Premier ministre conservateur de Bavière Horst Seehofer (CSU), qui regrette «une erreur qui va nous occuper pendant longtemps» : «Je ne vois pas comment on va pouvoir remettre le bouchon sur la bouteille», a-t-il indiqué au Spiegel.

Les Länder, aux avant-postes dans la crise, râlent de ne pas avoir été consultés. Et la Bavière, en première ligne, râle contre les autres Länder qui ne prennent pas assez de réfugiés. «Seulement deux Länder nous aident, c'est scandaleux !, s'est emporté vendredi le maire social-démocrate de Munich, Dieter Reiter. Ils doivent faire plus. Ils ne nous ont pris que 1500 personnes [sur plus de 40 000 arrivés depuis début septembre]. C'est inacceptable. Jamais je n'aurais cru ça possible. S'ils ne font pas plus, on ne pourra pas continuer.» Il demande à la chancelière d'intervenir «pour appeler les Länder à la solidarité». Mais elle-même est sous le feu des critiques… Heureusement pour elle, la CDU, les Verts et le SPD restent solidaires.

Comment faire face à cet afflux? Jusqu’ici, la prouesse allemande se perpétue notamment parce que beaucoup de citoyens s’engagent bénévolement, comme à la gare centrale de Munich. D’autres viennent juste pour regarder. Ils expliquent ce qui les motive.

Katja Kuehne, 28 ans, étudiante en communication.

«Vous savez pourquoi je fais ça ? Parce que ce sera dans les livres d’histoire, et quand mes futurs enfants me demanderont ce que j’ai fait, je n’ai pas envie de leur répondre "j’ai juste tourné la tête". Tant que ces gens auront besoin de nous, on sera là. Il y a une guerre, chez eux, non ? En tant qu’êtres humains, on est censés les aider. Personne ne mettrait ses enfants en danger de mort sur un bateau qui risque de couler s’ils ne craignaient pas déjà pour leur vie. On est juste des citoyens, c’est tout. La mobilisation a commencé avec les premières arrivées massives, le lundi 31 août. Certains les ont vus dans la gare, ils se sont dits : "Il faut aider." Je sais que certains ont peur de cet afflux. Mais ils n’ont qu’à venir voir. Ces gens ne sont pas venus pour nous prendre quelque chose. Ils ont juste besoin de se poser. On n’a pas à être effrayés.»

Michaela Proell, 26 ans, étudiante en médecine.

«On fait ça parce que c’est nécessaire. Les autres pays doivent faire pareil. On ne peut pas continuer à dire aux Syriens "OK, ça ne va pas bien dans votre pays, mais restez-y !" Pour nous, c’est un geste normal. Dès que j’en parle autour de moi, on me dit : "Ah super! Je peux venir aussi ?" Personne ne me dit que ce n’est pas bien.»

Stefan Zeilinger, 44 ans. Ce spécialiste en dépôt de brevets n'est pas bénévole mais il conduit ses deux enfants âgés de 5 et 7 ans à la gare pour qu'ils assistent à l'arrivée des réfugiés et les accueillent avec des cœurs découpés en papier rose.

«On ne peut pas guérir le monde. Mais on peut faire ça, au moins : les accueillir chaleureusement. Je sais que dans d’autres villes, l’accueil ne sera peut-être pas aussi bon, mais on montre l’exemple! Mon objectif, c’est de montrer à mes enfants qu’il y a sur terre des gens qui vivent très différemment d’eux. Je ne suis pas toujours fier de mon pays, notamment quand certains mettent le feu à des foyers pour réfugiés, mais là, je le suis. Merkel a été fantastique mais elle a aussi réagi en femme politique: dans l’avenir, ces personnes payeront des impôts et nos retraites… Certes, leur intégration prendra beaucoup de temps. Mais on a l’expérience dans l’histoire, avec l’expulsion des Sudètes après guerre, puis la réunification des deux Allemagne.»