Chaque année, des échauffourées émaillent les grandes fêtes du judaïsme et de l'islam à Jérusalem, mais celles survenues quelques heures avant le début de Rosh Hachana, la nouvelle année juive, ont été encore plus violentes. Comme les fois précédentes, elles se sont déroulées sur le Haram al-Charif, l'esplanade du Dôme du Rocher jouxtant le mur des Lamentations, où se rendent traditionnellement de nombreux fidèles. Cette fois, elles ont duré sept heures pendant lesquelles des dizaines de jeunes Palestiniens armés de cocktails Molotov et de pipe bombs (petits engins explosifs) ont affronté les unités antiémeute de la police israélienne qui ont riposté en tirant des balles en caoutchouc et des grenades lacrymogènes. Les violences ont débordé à l'intérieur de la grande mosquée lorsque les manifestants s'y sont réfugiés. Fait sans précédent, une bombe artisanale a explosé à l'approche des policiers.
A l'origine de ce regain de tension, l'interdiction, le 8 septembre, par le ministre israélien de la Défense, Moshé Yaalon (Likoud), de permettre à des groupes de fidèles musulmans, les Mourabitoun (hommes) et les Mourabitat (femmes), de manifester sur l'esplanade des Mosquées chaque fois que des groupes de juifs s'y rendent.
Boissons fraîches et sandwichs pour les sentinelles
Liés au «Mouvement islamique», la branche arabe israélienne des Frères musulmans, les Mourabitoun («sentinelles») sont persuadés que les juifs veulent s'implanter sur l'esplanade pour y raser le Dôme du Rocher (le troisième lieu saint musulman) et rebâtir le temple de Jérusalem détruit en l'an 70 par les légions du futur empereur romain Titus. Aussi sont-ils dans le collimateur des autorités israéliennes depuis 2011-2012. Selon le Shabak (la Sûreté générale israélienne), ces hommes et femmes qui passent leurs journées aux alentours de la mosquée seraient des personnes payées pour effectuer des tours de garde. Chaque matin, ils sont effectivement une cinquantaine de Mourabitoun et de Mourabitat à camper devant la porte Dorée, l'une des entrées de la Vieille Ville qui mène directement à l'esplanade du Dôme du Rocher. D'un côté de la rue, les hommes écoutent un prêcheur lisant et commentant des sourates du Coran. De l'autre, les femmes attendent à l'ombre avec les enfants. Lorsque arrive un groupe de juifs portant la kippa – on en a compabilisé 680 ce dimanche matin –, ils se lèvent tous en scandant «Allah est grand». Des insultes et parfois des coups s'ensuivent.
A intervalles réguliers, une camionnette dotée du gyrophare vert (la couleur de l'islam) apporte des boissons fraîches et des sandwichs aux sentinelles. Ce même véhicule décoré de slogans en arabe effectue ensuite des rondes dans les rues voisines. De ses haut-parleurs s'échappent de longues tirades évoquant «el ard» («la terre») et «al mawt» («la mort»).
Pour l'heure, l'interdiction prononcée par le ministre Yaalon ne semble pas empêcher les Mourabitoun de poursuivre leur vigie. Ni les jeunes Palestiniens de la ville sainte de manifester lorsqu'ils estiment que leurs lieux saints sont menacés. Après les violences de dimanche, Rafaat Hulayan (Fatah) leur a d'ailleurs demandé de «poursuivre la défense de la mosquée». Quant à la Jordanie, le porte-parole du gouvernement, Mohammed al-Momeni, a sommé Israël de «cesser ses provocations sur cet espace sacré».