Conséquence immédiate de la suspension, dimanche, du trafic ferroviaire entre l’Autriche et l’Allemagne, la situation était devenue précaire lundi dans le pays alpin, qui subit de plein fouet les décisions prises à Budapest et Berlin. Dans la gare centrale de Vienne, avant un progressif retour à la normale, des milliers de Syriens ont peur de ne plus pouvoir passer en Allemagne.
Angoisse. C'est le cas d'Ouala Ghanam, qui vient de Damas. Elle a quitté son pays avec toute sa famille - dont trois jeunes enfants - et veut continuer par tous les moyens son voyage vers Munich : «Ils nous ont pris nos empreintes en Hongrie, donc on doit passer en Allemagne. C'est le seul pays qui a promis de ne pas renvoyer les Syriens qui sont enregistrés à Budapest… On n'a pas d'autre choix !» Les Syriens ont une angoisse folle d'être refoulés, désormais, vers les camps sordides du voisin hongrois, dont ils gardent un souvenir lugubre. «Nous avons été enfermés onze jours là-bas. Ils battaient les hommes. Jamais je n'y retournerai», résume Ouala, désorientée, alors que la Slovaquie et la République tchèque annoncent aussi des contrôles, annihilant tout espoir de route alternative vers l'eldorado allemand.
Les bénévoles, souvent des immigrés syriens installés depuis longtemps en Autriche, tentent de rassurer les migrants par une bonne soupe ou quelques mots. Mais ils semblent désormais débordés, épuisés par des jours et des nuits d'une mobilisation sans faille. Falo Saleh est l'un d'eux. Il craint que la situation ne dégénère, car d'autres migrants en provenance de Hongrie arrivent toujours par milliers : «Les gens viennent parce que les frontières étaient ouvertes, donc si elles se referment c'est une catastrophe, s'emporte-il. Personne ne veut rester en Autriche. Beaucoup de réfugiés ne savent même pas ce que c'est que l'Autriche…» Certains Syriens, qui ont perdu leurs papiers en mer ou sur la route des Balkans, ont aussi peur d'être refoulés.
Les Afghans, eux, s’inquiètent de ne plus bénéficier de la même mansuétude allemande que ces dernières semaines. Les quelques Kosovars et Albanais se demandent déjà ce qu’ils doivent faire, maintenant. Ils ne passeront plus la frontière sans visa. Originaires de deux pays dits sûrs, ils sont persona non grata en Allemagne.
A l’image des gares de Vienne, le chaos s’installe en Autriche : des milliers de demandeurs d’asile sont arrivés lundi matin dans la petite localité de Heiligenkreuz-im-Lafnitztal, située à la frontière avec la Hongrie et la Slovénie. Pour la première fois, les associations se disent incapables de les prendre en charge.
La ministre autrichienne de l’Intérieur, la conservatrice Johanna Mikl-Leitner, l’assure : son pays n’avait donc pas d’autre choix que d’emboîter le pas à l’Allemagne. 2 200 soldats sont d’ores et déjà déployés en Autriche pour seconder la police ; les contrôles aux frontières orientales sont également rétablis sine die, la libre circulation est suspendue. Cela n'était jamais arrivé depuis l’adhésion du pays à l’espace Schengen en 1995.
Humanité.Pour signifier qu'elle en a déjà fait beaucoup, la compagnie autrichienne des chemins de fer affirme que 60 000 migrants ont été transportés vers l'Allemagne depuis le début de la crise, la plupart sans billet. Une politique d'accueil qui aurait fait perdre 60 millions d'euros aux réseaux de passeurs selon le patron de l'entreprise, Christian Kern.
Dépassé par ses alliés qui ne respectent même plus la hiérarchie gouvernementale pour faire leurs annonces, le chancelier social-démocrate Werner Faymann tente pour sa part de rassurer les ONG en «garantissant le droit à l'asile», affirmant que «l'humanité doit prévaloir». Sa mansuétude est désormais très peu représentative du climat antimigrants qui prévaut dans toute l'Europe centrale.