Menu
Libération
Rodomontades

La Corée du Nord agite une nouvelle fois la menace nucléaire

Rassemblement de l'armée nord-coréenne devant les statues de Kim Il-sung et Kim Jong-il à l'occasion des 60 ans de la fin de la Guerre de Corée, en juillet 2013. (Photo KCNA. Reuters)
par Clarisse Chick
publié le 16 septembre 2015 à 13h33

La Corée du Nord a confirmé mardi avoir réactivé le complexe nucléaire de Yongbyon, à 100 km au nord de Pyongyang. Cela inquiète la communauté internationale puisque l’un des réacteurs de cette centrale est considéré comme la principale source de plutonium à potentiel usage militaire. Cette annonce intervient après que le pays a évoqué un possible lancement de satellites, relançant les spéculations sur une tentative de tir de fusée à longue portée, ce qui constituerait une violation des résolutions des Nations unies: le pays a interdiction de faire usage de la technologie des missiles balistiques. Devant cette double menace, Washington a clairement averti Pyongyang qu’il s’exposait à de nouvelles sanctions internationales.

La Corée du Nord se défend en insistant sur le fait que ses tirs de fusée viseraient uniquement à mettre sur orbite des satellites à usage non militaire, alors que la communauté internationale voit cela comme des essais de missiles balistiques déguisés. Aucune date n'a encore été fixée mais les observateurs estiment que le lancement du satellite par le Nord aurait lieu probablement le 10 octobre, 70e anniversaire de la création du Parti des travailleurs par Kim Il Sung et au pouvoir depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Séoul a rapidement fait savoir que si son voisin travaillait réellement au lancement d'une nouvelle fusée, ce serait un «acte grave de provocation». Ces nouvelles tensions interviennent trois semaines après que les deux pays ont signé un rare accord pour détendre et désamorcer les tensions frontalières, qui avaient failli mener à un conflit ouvert entre les deux pays.

Le réacteur de ce complexe nucléaire avait été fermé en 2007 dans le cadre d'un accord qui prévoyait un désarmement nucléaire du pays en échange d'une aide humanitaire. La Corée du Nord avait ensuite violé cet accord en commençant des travaux de rénovations après son dernier essai nucléaire en 2013. Le plus inquiétant est que ce complexe compte un réacteur capable de produire six kilogrammes de plutonium par an, soit une quantité suffisante pour une bombe. Le directeur de l'institut de l'énergie atomique a menacé: «Si les Etats-Unis et les autres forces hostiles continuent à mettre en œuvre leur politique hostile irresponsable, (la Corée du Nord) se tient prête à riposter à n'importe quel moment avec l'arme nucléaire.»

D’après les observateurs, la date de l’annonce de cette double menace a été soigneusement calculée, pour s’inviter indirectement au sommet sino-américain qui a lieu en ce moment à Los Angeles. La Corée du Nord veut faire de la question coréenne le premier sujet de discussion entre les deux grandes puissances. Pourtant, si la Chine, principal allié diplomatique de Pyongyang, l’a toujours protégé de sanctions internationales plus lourdes, elle met en garde le régime contre toute inutile surenchère.

La Corée du Nord est coutumière de provocations vis-à-vis de la communauté internationale. Si elle était signataire du Traité de Non Prolifération (TNP) en 1968, elle s’en est retirée le 10 janvier 2003. Depuis, elle a réalisé trois essais nucléaires souterrains, même après avoir signé à Pékin, en février 2007, un accord ouvrant la voie à une dénucléarisation de la péninsule. Mais si le pays joue des muscles par des démonstrations de force et des images souvent truquées il faut savoir séparer les fantasmes de la réalité, concernant un pays qui fait partie des 30 plus pauvres de la planète, avec un PIB de 30 milliards de dollars, équivalent de celui de l’Afghanistan. Les discours va-t-en-guerre de Pyongyang font partie de sa rhétorique politique, mais ne se traduisent pas dans une escalade militaire réelle. Le pays en fait cherche surtout à capter l’attention de la communauté internationale et à monnayer son pouvoir de nuisance.

En mars 2013, Pyongyang avait ainsi fait croire à l’imminence d’une crise nucléaire, en diffusant une photo de Kim Jong-un signant l’autorisation d’attaquer les Etats-Unis par une frappe nucléaire. Mais la Corée du Nord ne dispose pas des moyens nécessaires pour mener à bien une telle attaque, ses missiles n’étant pas assez puissants pour atteindre les Etats-Unis.