Ce lundi, le portugais Vítor Constâncio, vice-président de la Banque centrale européenne (BCE), s'entretenait avec des journalistes de Reuters – l'interview, en anglais, est d'ailleurs lisible sur le site de l'institution monétaire de l'Union européenne. A quelques jours des élections législatives anticipées en Grèce qui pourrait voir le Premier ministre démissionnaire Alexis Tsipras quitter le pouvoir, l'une de ses déclarations a fait réagir. La Tribune parle même d'un «stupéfiant aveu».
Vers la fin de l'entretien, Constâncio évoque brièvement les négociations entre le gouvernement grec et ses créanciers qui ont débouché, le 12 juillet, à un accord arraché in extremis pour un plan d'aides. Un accord auquel Tsìpras n'a jamais cru, et qui a permis à Athènes d'échapper au Grexit (la sortie du pays de la zone euro) au prix de lourds sacrifices. Deux mois plus tard, donc, Vítor Constâncio lâche en toute simplicité à Reuters que cette menace brandie à plusieurs reprises «n'a jamais été lancée pour de vrai parce que ce ne serait pas légal.» «Il n'y a jamais eu de doutes pour la majorité des pays membres, nous maintenons que l'euro est irréversible», explique le vice-président de la BCE, pour qui il convient de «supprimer les doutes qui demeurent sur la viabilité du bloc monétaire.»
Poker menteur
Pour la Tribune, ces déclarations «mettent donc à jour le plan des créanciers : menacer de Grexit un gouvernement grec qui, il est vrai, était prompt à bien vouloir l'être, afin de remporter la victoire politique que les créanciers cherchaient depuis les élections du 25 janvier.» Affaiblir Tsìpras dans un jeu de poker menteur, donc. Le quotidien économique estime par ailleurs qu'un Grexit aurait de toute façon fragilisé aussi bien la Grèce que ses créanciers.
Sur sa page Facebook, Jean-Luc Mélenchon n'a pas manqué de signaler cette déclaration dès hier soir, qualifiant le Grexit de «menace bidon». Le député européen, membre du Front de gauche, estime que si Tsipras avait refusé l'accord, «Merkel et Hollande auraient dû céder car, en cas de banqueroute de la Grèce, c'était le «Mécanisme de stabilité financière» qui aurait été légalement obligé d'entrer en action, ce qui aurait couté 40 milliards à la France et 60 à l'Allemagne». Quelques jours après la tenue à la Fête de l'Huma d'un débat «pour un plan B en Europe», auquel il participait aux côtés de Yanis Varoufakis, Mélenchon conclut : «Tout cela prouve que si nous avons un bon plan A et la menace d'un bon plan B, nous serons extraordinairement bien armés pour faire face au gouvernement allemand et à ses satellites ! Et comme chacun a pu le voir, Madame Merkel est capable de changer d'avis en 24 heures quand elle tombe sur un os !»
D'aucuns trouveront peut-être hasardeux d'utiliser la crise des réfugiés pour attaquer l'Allemagne au sujet de la Grèce. C'est pourtant l'occasion de rappeler que la gestion grecque de la situation migratoire a directement pâti de l'austérité imposée. Comme Libé l'écrivait récemment, «les restrictions budgétaires déjà imposées depuis cinq ans par les créanciers ont asséché la fonction publique et les nouvelles exigences sur la diminution du budget militaire ne facilitent pas la gestion de ce tsunami humain.»