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Meïmarákis épice la campagne grecque

Quel avenir pour la Grèce ?dossier
Le leader par intérim de Nouvelle Démocratie, challenger d’Aléxis Tsípras lors des législatives de ce dimanche, a réveillé les ardeurs de la droite.
Evángelos Meïmarákis en meeting à Athènes, jeudi. (Photos Lefteris Pitarakis. AP)
publié le 18 septembre 2015 à 19h46

«Vagela sexy, déchire Aléxis !» C'est avec ce viril slogan scandé par des supporteurs lors de son premier meeting de campagne en Crète, fin août, qu'Evángelos Meïmarákis a entamé sa longue marche vers les élections qui se déroulent ce dimanche en Grèce. Un scrutin anticipé dont la seule surprise est ce moustachu de 61 ans qui revigore les conservateurs grecs. Car de manière inattendue, «Vagela», diminutif aux accents machistes du prénom grec Evángelos, talonne et pourrait même devancer, à défaut de «déchirer», Aléxis Tsípras, qui remet en jeu son mandat après sept mois tumultueux à la tête du pays.

Evángelos Meïmarákis est un miracle inespéré pour la droite grecque, elle qui, usée et discréditée, mordait la poussière loin derrière Syriza. Jusqu’à ces derniers jours, où elle s’est soudain retrouvée dans les sondages au coude à coude avec le parti du Premier ministre sortant. Un revirement qu’elle doit surtout au style déconcertant de son nouveau leader.

«Moustacheman»

Au départ, Meïmarákis, vieux briscard de Nouvelle Démocratie, député depuis vingt-trois ans, semblait pourtant voué à jouer les figurants. Meïmarákis avait été désigné en juillet «président par intérim» de la formation conservatrice après la démission subite d’Antónis Samarás, ex-Premier ministre qui assumait sa défaite au lendemain du référendum contre la poursuite de l’austérité, transformé en plébiscite pour Tsípras avec 61,31 % de non. Il n’était a priori pas fait pour durer à la tête d’un parti divisé en clans d’héritiers.

Les premiers discours du régent intronisé dans l'urgence, comme les slogans gonflés de testostérone de ses jeunes partisans, ont dû faire tousser les bonnes dames de Kolonáki ou de Kifisia, les quartiers chics d'Athènes. Car avec Vagela, ça y va. Sa sortie la plus borderline ? Celle qu'il a lancée en public, il y a trois ans, à un membre de son parti, accusé de flirter avec les médias : «Au lieu de sucer celle de Chadzinikolaou [célèbre journaliste local, ndlr], tu ferais mieux de sucer la mienne, elle est plus belle», avait-il balancé à Prokópis Pavlópoulos, devenu depuis… président de la République. L'homme au langage fleuri emploie même parfois des expressions d'argot très pointues et n'hésite pas à recourir aux vieilles techniques du populisme et du clientélisme. Avec à la clé, promesses aux agriculteurs (lire page 4) et clins d'œil aux habitants de la Crète, son île natale, qui ne peuvent, ça va de soi, «choisir qu'un Crétois comme Premier ministre». Lors de son dernier discours de campagne à Athènes, jeudi, le challenger de Tsípras a dégainé un catalogue impressionnant de réformes qu'il accomplira «avec la grâce de Dieu».«Et voilà qu'on a maintenant le terrible "Moustacheman" qui met en déroute les méchants», ironisait cette semaine le site d'infos Kouti tis Pandoras («la boîte de Pandore»), proche de Tsípras, en s'étonnant que la droite se dédouane aussi vite des scandales financiers et du bilan de sa gestion du pays. Meïmarákis lui-même serait, d'après le site d'infos, compromis dans une affaire de sous-marins défectueux vendus par l'Allemagne lorsqu'il était ministre de la Défense, entre 2007 et 2009.

«Une image de modéré»

Mais si la magie opère, c'est bien que Meïmarákis a quelques atouts. «Il apparaît authentique, simple, et son langage séduit ou amuse», souligne l'analyste politique Georges Sefertzis. Aux antipodes de son prédécesseur de droite, rigide et froid. «La grande chance de Meïmarákis, c'est de ne pas être Samarás», confirme Geórgios Katroúgalos, ancien ministre du gouvernement Tsípras. Mais ce n'est pas tout. «Bien que faisant partie du sérail, il n'appartient à aucun des clans qui se déchirent pour le leadership de Nouvelle Démocratie. Et son passé de président de l'Assemblée consolide son image d'homme modéré et rassurant, toujours prêt au dialogue», explique Georges Sefertzis.

Depuis le début de la campagne, Meïmarákis répète qu'il veut former un gouvernement d'union nationale. Une proposition rejetée par Tsípras, mais qui «séduit une partie des Grecs, hantés par les divisions fratricides de l'histoire du pays et favorables à une cohabitation», souligne encore Sefertzis, qui ajoute : «S'il arrive en tête, ce sera bien la première fois en Europe qu'un président de parti par intérim se retrouve élu chef de gouvernement. Mais quel que soit le résultat, il a gagné ses galons et devrait rester le leader de Nouvelle Démocratie.»