Pour l’instant, ce sera statu quo. Prochain rendez-vous en décembre, et cette fois le comité de politique monétaire pourrait bien décider une hausse des taux d’intérêt. Telle est, en substance, la décision prise jeudi par le comité monétaire de la Fed (la Banque centrale des Etats-Unis).
Si la Réserve fédérale avait décidé de relever ses taux d’intérêt, l’événement aurait eu une portée historique. Et pour cause, voilà neuf ans, une éternité aux yeux des marchés financiers, que la Banque centrale des Etats-Unis joue la carte d’une politique monétaire pour le moins accommodante. En effet, les taux de la Fed, qui déterminent en partie la plupart des autres taux, sont proches de zéro (0,25%). Et ce depuis les lendemains de la crise financière de 2007.
+186% pour les grandes entreprises cotées depuis 2009
Quelques indices économiques laissaient entendre que Janet Yellen, la présidente de la Fed et ses acolytes pouvaient resserrer la politique monétaire de la première puissance économique mondiale. A part l’inflation, qui reste proche de zéro, pratiquement tous les autres grands indicateurs économiques sont au vert : la croissance devrait afficher un taux proche des 3% en fin d’année alors que les Américains connaissent un taux de chômage à peine supérieur à 5%, ce qui place les Etats-Unis en situation de quasi plein-emploi. La bonne tenue de la consommation des ménages et la reprise de l’investissement soutiennent la croissance.
Certes, depuis près d'un an, la Fed a tourné la page du fameux quantitative easing (QE), cette politique monétaire qui consiste à racheter massivement des actifs sur les marchés obligataires. En faisant couler l'argent à flot, la politique de QE de la Banque centrale américaine a réussi à faire baisser les taux d'intérêt des marchés obligataires, tout en dopant dangereusement les marchés actions. Depuis 2009, l'indice des 500 plus grandes entreprises cotées à Wall Street a bondi de 186%, sans commune mesure avec le taux de croissance de l'économie réelle. Mais la Fed ne semble pas prête à vouloir toucher l'autre levier de sa politique monétaire : celui des taux d'intérêt proches de zéro.
Le risque pour les émergents
De nombreux obstacles sont venus entraver ces derniers mois le scénario d’une normalisation de la politique monétaire des Etats-Unis qui aurait consisté en un début de relèvement des taux d’intérêt. Il y a d’abord l’inflation américaine, trop faible pour parler de surchauffe de l’économie. Quant à une pression sur les salaires provoquée par un quasi plein-emploi, personne n’en voit la moindre trace. Sans compter le prix de l’énergie qui n’en finit pas de chuter. Voilà pour les facteurs internes. Et puis, il y a le reste du monde. Selon la plupart des dernières prévisions, la croissance mondiale serait en perte de vitesse cette année, à 3% selon l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique). 2015 sera ainsi la cinquième année d’affilée de ralentissement de la croissance mondiale.
La faiblesse économique chinoise et la tempête boursière de Shanghai n’arrangent rien. Elles pénalisent les grands pays émergents latino-américains ou du sud-est asiatique. La plupart de ces pays vendent à la Chine des matières premières agricoles ou du pétrole. Or, à part l’Inde, tous, à commencer par le Brésil, connaissent de graves difficultés économiques.
Augmenter ses taux ? La Fed prenait le risque d’accélérer leur chute, tout en attirant vers les Etats-Unis des capitaux en quête de rendements plus attractifs. Le tout en risquant de provoquer une hausse de la valeur du billet vert et une dépréciation des devises des pays émergents. Certes, la Réserve fédérale n’est pas censée (du moins en théorie) en tenir compte. Mais elle sait que la mondialisation, c’est pour tout le monde… Y compris pour elle.