Exit le Burkina Faso. L’Union africaine (UA) a annoncé vendredi la suspension du pays, ainsi que des sanctions à l’encontre des putschistes : interdiction de voyager et gel des avoirs dans tous les États membres de l’organisation panafricaine. Cette même journée, trois personnes sont mortes et au moins 13 ont été blessées. Cela porte à six le nombre de personnes tuées depuis le début du coup d’Etat militaire.
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Dans la soirée, le général Gilbert Diendéré, un proche de l’ancien président burkinabè Blaise Compaoré, s’est entretenu pendant 45 minutes avec le président sénégalais Macky Sall, chef de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Accompagné de son homologue béninois Thomas Boni Yayi, Macky Sall devait s’entretenir une nouvelle fois avec le général Diendéré ce samedi, après des consultations avec des représentants de l’opposition à Compaoré et de la société civile.
Réconciliation nationale
«Il faut créer une dynamique de réconciliation nationale, de pardon, arrêter la violence, faire en sorte qu'un schéma accepté par tous et bien entendu de la communauté internationale, puisse permettre au pays de se repositionner dans sa voie et dans sa marche vers la démocratie», déclarait le président sénégalais en fin de soirée. Il avait été l'émissaire de la Cédéao lors du soulèvement populaire qui, en octobre 2014, avait chassé du pouvoir le président Compaoré après 27 ans à la tête du Burkina Faso. Et Thomas Boni Yayi était le médiateur désigné par la Cédéao pour les élections présidentielle et législatives qui étaient programmées le 11 octobre et devaient clore la période de transition ouverte avec la chute de l'ex-Président.
A l'issue de sa première rencontre avec ces responsables régionaux, le général Diendéré a déclaré qu'aucune décision n'avait été prise. «J'ai eu un entretien en tête-à-tête très fructueux avec les deux chefs d'Etat [...] Je préfère ne pas devancer l'iguane dans l'eau parce que nous n'avons pas décidé de quoi que ce soit pour l'instant, a-t-il déclaré, utilisant une métaphore africaine. Il y a eu des propositions qui ont été faites par ces deux hautes personnalités et nous pensons nous revoir demain matin pour faire la synthèse. Je préfère ne pas donner de détails sur ce dont nous avons parlé.»
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«En signe d'apaisement», le nouveau régime a libéré jeudi soir le président du régime de transition Michel Kafando et deux de ses ministres, séquestrés aux premières heures du coup d'État mercredi après-midi par les soldats du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP). En revanche, le Premier ministre et lieutenant-colonel Isaac Zida demeurait «en résidence surveillée», a annoncé à la presse le général Diendéré.
Le nouveau régime a également ordonné la réouverture des frontières terrestres et aériennes vendredi à 12 heures, 24 heures après les avoir fermées.
Maintien des élections
Le président de l'Assemblée du régime renversé, Cherif Sy, a continué d'appeler la population à la mobilisation, tout comme le mouvement «Balai citoyen», en pointe dans le soulèvement populaire contre Blaise Compaoré l'an dernier. «Il y a une condition qui est non négociable, c'est le départ de Diendéré», a déclaré vendredi l'AFP le porte-parole des organisations de la société civile, Me Guy-Hervé Kam. Le Cadre de Concertation des Partis politiques (CCPP), qui réunit les partis de l'ancienne opposition à Blaise Compaoré, exigeait quant à lui dans un communiqué le maintien des élections prévues en octobre, sous peine de «désobéissance civile». Brusquement passé de l'ombre à la lumière, le général Diendéré, un quinquagénaire qui nie être téléguidé par Blaise Compaoré, a promis d'organiser «rapidement» des élections. On ignore où se trouve l'ex-Président, qui réside habituellement en Côte d'Ivoire voisine depuis son exil forcé.
Le RSP, unité d’élite de l’armée forte de 1 300 hommes, a pris le pouvoir en accusant les autorités d’avoir dévoyé la transition, notamment en excluant les partisans de l’ex-homme fort des élections d’octobre. Deux jours avant le putsch, une commission avait aussi recommandé la dissolution du RSP, garde prétorienne de l’ex-Président.