L'autocensure comme meilleur outil de censure. Mardi, l'imprimeur thaïlandais a refusé de sortir le New York Times parce qu'un article intitulé «Avec un roi à la santé déclinante, l'avenir de la monarchie thaïlandaise incertain» s'interrogeait sur les problèmes de santé du roi Bhumibol Adulyadej, 87 ans, et posait la question de sa succession.
Il faut dire que le crime de lèse-majesté est puni très sévèrement dans ce pays où le roi fait l’objet d’un culte quasi religieux et où toute critique du souverain, de la reine ou du prince héritier est taboue. Selon l’article 112 du code pénal, un simple témoignage suffit à envoyer le blasphémateur derrière les barreaux. Une loi moyenâgeuse utilisée à tour de bras par la junte au pouvoir depuis le coup d’Etat du 22 mai 2014. Les peines de prison démesurées pleuvent depuis plusieurs mois : 2 ans pour un vendeur de livres d’occasion ayant présenté un livre jugé diffamatoire, 30 ans pour six commentaires désobligeants sur Facebook, 18 mois pour un retraité ayant dessiné un graffiti dans les toilettes, 3 ans pour un mail jugé diffamant…
Le vieux roi, classé par le magazine Forbes comme le souverain le plus riche du monde, est invisible depuis des mois et son véritable état de santé caché à la population. Malgré l'omerta imposée sur tout ce qui concerne la famille royale, les circonstances de son accession au trône en 1946, lorsqu'il a succédé à son frère aîné retrouvé mort d'une balle dans la tête, alimentent toujours les rumeurs. La désignation de son fils Maha Vajiralongkorn comme prince héritier est également très controversée. Ce dernier, âgé aujourd'hui de 63 ans, se fait plus remarquer pour les fêtes auxquelles sa femme assiste seins nus ou la nomination de son caniche au rang officiel de maréchal en chef de l'armée de l'air que par son sens des responsabilités politiques.
Fortune, santé, succession, dérive autocratique de la junte... Autant de sujets évoqués par le New York Times dans le numéro prudemment censuré par l'imprimeur.