«J'ai avorté en 2008. Cela m'a sauvé la vie, et m'a permis d'échapper à un homme émotionnellement et physiquement violent», écrit une certaine Megan sur Twitter. Charlotte Taylor Page confie, elle, «avoir avorté il y a neuf ans. Et n'avoir jamais regretté depuis». Comme ces deux femmes, plus de 70 000 utilisatrices du réseau social ont déjà partagé depuis ce week-end leur expérience de l'avortement, sous le hashtag #ShoutYourAbortion («Parlez haut et fort de votre avortement».)
Lancé samedi par trois Américaines, le mot-dièse vise à éviter de stigmatiser les femmes ayant avorté et à libérer leur parole, dans la foulée d'un vote à la Chambre américaine des représentants, visant à couper les vivres pour un an aux services de «Planned parenthood», équivalent du planning familial.
I had an abortion nine years ago. I don't regret it ever #shoutyourabortion
— Charlotte (@CharlTaylorPage) September 20, 2015
Pas «quelque chose qu'il faudrait murmurer»
Après avoir entendu parler de cette menace sur le budget du planning familial vendredi, Amelia Bonow, écrivaine installée à Seattle (Etats-Unis), explique au site Vice avoir «passé la journée à pleurer, beaucoup de femmes sont dévastées de voir qu'en 2015 aux Etats-Unis c'est encore un problème». Alors, sur un coup de tête, la jeune femme décide de partager sa propre expérience sur Facebook. «Il y a environ un an, j'ai avorté dans un centre du planning familial. Je repense à cette expérience avec un niveau ineffable de gratitude», écrit-elle. «Si je vous dis cela aujourd'hui, c'est parce que la rhétorique de ceux qui luttent pour couper les vivres au planning familial repose sur l'idée que l'avortement est toujours quelque chose qu'il faudrait murmurer. Beaucoup de gens pensent encore que quelque part, si vous êtes une femme respectable, l'avortement est un choix qui devrait être accompagné de honte, de tristesse ou de regret», explique-t-elle. Alors à contre-courant de ces sentiments négatifs, la jeune femme entend encourager à libérer la parole. Son amie Lindy West, qui compte pas loin de 60 000 abonnés sur Twitter, relaie dans la foulée son récit, accompagné du hashtag #ShoutYourAbortion. Idem pour une autre de leurs connaissances, Kimberly Morrisson, elle aussi militante féministe.
Dans une tribune parue mardi dans le quotidien britannique The Guardian, Lindy West détaille les raisons de son engagement: «Il y a cinq ans presque jour pour jour, en septembre 2010, j'ai pris une pilule, puis une autre, et je me suis allongée pour une journée et une nuit. Après cela, je n'étais plus enceinte. C'était une expérience plutôt fluide, perturbante uniquement parce que ma relation était dans un sale état et que je n'avais pas d'argent. Le processus lui-même fut un soulagement. Ne pas avoir pu le faire aurait constitué un véritable traumatisme.» La jeune femme explique aussi avoir réalisé qu'elle et ses amies ne parlaient jamais de cette expérience. Pas par tabou, juste que cela ne fait pas partie des sujets, pourtant nombreux, qu'elles abordent. D'où cette initiative.
Tentatives de détournement des pro-life
Des opposants au droit à l'avortement ont profité de ce hashtag pour faire valoir leur position, donnant lieu à des tweets comme: «Le hashtag en vogue devrait être: parlez de l'adoption, pas de l'avortement», voire «Je suis sûr que les bébés auraient aimé s'exprimer sur #ShoutYourAbortion, mais ils ont été assassinés et vendus en pièces».
#ShoutYourAdoption should be trending, not #ShoutYourAbortion.
— Sister Toldjah, VP of BS Detection 😁 (@sistertoldjah) September 21, 2015
Les fondatrices du hashtag, Lindy West et Amelia Bonow, assurent pour leur part faire l'objet de menaces et avoir vu leurs adresses publiées sur internet. Les 700 cliniques Planned Parenthood américain dépendent pour 40% des deniers publics pour financer les services médicaux aux populations modestes (contraception, dépistages...). Barack Obama a promis de mettre son veto à la mesure votée vendredi dernier.