L'appel était signé par 27 anciens dissidents de renom - le Tchèque Václav Havel, le Polonais Adam Michnik et bien sûr des Hongrois dont l'écrivain Miklós Haraszti - et les mots étaient lourds : «Une démocratie antilibérale est en train de naître à l'intérieur des frontières de l'Europe. […] Si des droits fondamentaux sont bafoués dans un pays, cela humilie tous les Européens.» Ce texte fut publié en janvier 2011 alors que Viktor Orbán, le Premier ministre nationaliste et conservateur hongrois, lançait des lois liberticides sur la presse et s'apprêtait, grâce à la forte majorité conquise par son parti, le Fidesz, à imposer des modifications de la Constitution. Depuis, les choses n'ont fait qu'empirer à Budapest mais l'Union européenne n'a rien fait sinon quelques protestations de pure forme, et la seule procédure concrète ouverte le fut pour la remise en cause de l'indépendance de la Banque centrale. Le Premier ministre hongrois a jusqu'ici pu compter sur le soutien de Berlin et la solidarité sans faille du PPE, dont le Fidesz est membre. Aujourd'hui, au sein de l'Union, l'homme fort de Budapest est devenu la figure de proue d'un souverainisme xénophobe qui s'alimente, dans les anciens pays de l'Est - mais pas seulement comme on le voit avec le Danemark -, de l'afflux des réfugiés. L'ancien opposant au communisme qui, courageusement, avait lancé un appel au départ des troupes soviétiques de son pays, s'est transformé en un autocrate populiste et xénophobe prêt à attiser la haine pour garder le pouvoir. Sous sa direction, la Hongrie, qui fut à l'été 1989 la première démocratie populaire à couper les barbelés du Rideau de fer, les rétablit à la frontière serbe et bientôt roumaine pour bloquer les migrants. Il a en outre autorisé l'armée comme la police à faire usage de balles en caoutchouc. Même si le gouvernement hongrois accepte finalement sa part de demandeurs d'asile, le discours comme les actes de Viktor Orbán, au-delà même de la question des réfugiés, sont une remise en cause des valeurs sur lesquelles se fondent le projet européen. La Commission comme le Parlement européen ou même les Etats membres (un tiers suffit) peuvent, selon l'article 7 du traité européen, ouvrir une procédure de suspension de Budapest pour violation des droits de l'homme.
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