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Analyse

Solidarité : non, la France n’est pas repliée sur elle-même

Cinq chiffres d'un sondage, réalisé par l'Agence française de développement, démontrent que l'Hexagone défend une certaine idée de l'aide au développement.
Distribution d'eau à Dakar, au Sénégal, le 26 septembre 2013. (Photo Seyllou. AFP)
publié le 24 septembre 2015 à 15h43

Nous sommes plutôt loin de la vision d’une France recroquevillée sur elle-même, même s’il n’y a pas de quoi donner des leçons à la terre entière. Un sondage réalisé par l’Agence française de développement (AFD) donne des raisons d’espérer, dans les logiques – et les nécessités – de coopération et de solidarité avec les pays du Sud. Voici pourquoi.

82% des Français pensent que ce qui se passera sur le plan économique, politique ou écologique dans les pays pauvres «peut avoir un impact» sur leur vie en France, soit une proportion en hausse de 4 points en l'espace d'un an et de 24 points par rapport à 1991. Effet de la crise, en Syrie et au Proche-Orient, et de l'afflux sans précédent de migrants en Europe. De façon plus générale, la prise de conscience sur l'interaction voire l'interdépendance des enjeux, que ce soit sur l'impact de conflits majeurs et/ou les effets du changement climatique, qui ne connaissent pas les frontières et qu'il est illusoire de vouloir enrayer à coup de barbelés ou de bunkers. «Une écrasante majorité de nos compatriotes ont compris que l'enjeu du développement durable concernait toute la planète, Nord et Sud confondus», estime Annick Girardin, secrétaire d'Etat chargée du Développement. «Les Français ont davantage conscience que ce qui se passe au Sud peut avoir un impact sur leur vie», ajoute Anne Paugam, directrice générale de l'AFD.

Soutien de l’opinion publique

76% : c'est le pourcentage de sondés qui estiment que la France investit «suffisamment» dans l'Aide publique au développement (APD). Voilà qui risque de faire plaisir au gouvernement qui, en dépit d'un PIB de 2 850 milliards d'euros, n'en lâche que 0,36% pour l'aide au Sud en 2014, loin, très loin de ses promesses formulées il y a deux générations de la porter à 0,70%. Sans parler du fait que, comme le rappelle le Groupe de recherche et d'échanges technologiques (Gret), «2% de l'APD transite par les ONG, 40% par des institutions européennes et multilatérales. Pourtant, la mesure de l'efficacité est autrement plus précise et exigeante avec les ONG qu'avec les institutions internationales». Reste que le soutien de l'opinion publique progresse cette année de manière significative : deux Français sur trois (67%) s'y disent aujourd'hui «favorables», soit une hausse de 5 points en l'espace d'un an, et plus de la moitié d'entre eux en sont «fiers».

76% : c'est aussi la part de Français qui estiment que le dérèglement climatique constitue actuellement «une menace sérieuse» pour eux ou pour leur mode de vie. Soit une proportion en hausse significative par rapport à 2014 (+6 points en un an) mais aussi par rapport à 2011 (+13 points en quatre ans). Ils sont aussi 69% à estimer qu'il faut prendre d'urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques. Une proportion croissante de Français (85%, +5 points) demande aussi que l'aide apportée par la France prenne en compte la lutte contre le réchauffement climatique dans les projets qu'elle finance. Les réponses les plus significatives, c'est-à-dire celles des personnes s'y disant «tout à fait» favorables, passant en l'espace d'un an de 30% à 42% (+12 points). Ce qui est pourtant déjà le cas puisque l'AFD a consacré, en 2014, 53% de son aide à des projets fléchés autour de la question de la lutte climatique.

Accès à l’eau pour tous

65% : c'est le pourcentage de personnes interrogées qui estiment que les engagements à prendre pour limiter le dérèglement climatique constituent «plutôt une opportunité pour élever» le «modèle de développement» des pays du Sud. Logique puisqu'ils peuvent éviter les erreurs historiques des pays riches qui ont axé leur essor sur l'exploitation des énergies fossiles, principales responsables des émissions de gaz à effet de serre. Plus étonnant, c'est qu'ils sont 70% des sondés à estimer que la lutte climatique pourrait être une opportunité pour la France. Un sondage à méditer par le gouvernement, appelé donc à faire davantage en ce sens sans que la priorité environnementale soit perçue forcément comme quelque chose de punitif ou de handicapant pour l'emploi ou le mode de vie, bien au contraire.

33% de citoyens ont entendu parler de l'adoption, vendredi, par les 193 pays membres des Nations unies des 17 Objectifs pour le développement durable (ODD), qui visent, d'ici 2030, à éradiquer l'extrême pauvreté, lutter contre le réchauffement climatique. Ce qui est certainement très exagéré, vu qu'ils ne sont pas encore entrés en vigueur. En revanche, lorsqu'on les décline, ils sont 80% à juger prioritaire la garantie de l'accès de tous à l'eau et à l'assainissement, jugent également prioritaires l'élimination de la faim et l'assurance de la sécurité alimentaire (79%) ; conserver de manière durable les océans et les ressources marines (78%), l'élimination de la pauvreté (71%), la prise de décision rapide pour lutter contre les changements climatiques (69%).

Sondage réalisé du 29 août au 1er septembre par l'Ifop pour l'Agence française de développement (AFD), par Internet, auprès d'un échantillon de 1 053 personnes représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus.