Dans une lumière blafarde, deux paires d’hommes s’avancent sur un pont en béton au-dessus de la rivière Piusa, entre l’Estonie et la Russie. D’un côté, l’agent du contre-espionnage estonien, Eston Kohver, accompagné par un membre des services de sécurité russes. De l’autre, l’agent double Aleksei Dressen, lui aussi escorté. Sur les images diffusées par la télé russe, les accompagnateurs ont le visage flouté. Dans une scène digne d’un film sur la guerre froide, les quatre hommes se retrouvent pour procéder à un échange d’«espions».
Le 16 août, l’Estonien Eston Kohver avait été condamné par un tribunal russe à quinze ans de camp à régime sévère, notamment pour espionnage et passage illégal de la frontière. Lors de son arrestation, en 2014, Tallinn avait dénoncé l’enlèvement d’un de ses policiers : alors qu’il travaillait sur une affaire de contrebande impliquant la mafia russe, Kohver aurait été attaqué sur le territoire estonien par des hommes venus de Russie qui l’auraient emmené dans une prison moscovite. Sur fond de crise ukrainienne, cette arrestation avait été perçue par l’Estonie comme un signe de mauvais augure, le début d’une confrontation ouverte avec la Russie.
Aleksei Dressen, lui, avait été arrêté en 2012. L'agent de la police secrète d'Estonie aurait collecté pour Moscou des informations classées confidentielles. «En vingt ans, il a transmis une quantité énorme de documents précieux concernant les opérations secrètes de la CIA et du MI6 britannique», rapporte une source des services spéciaux russes à l'agence Interfax. Avec cette remise en liberté, le président russe, Vladimir Poutine, montre patte blanche avant son intervention sur la Syrie devant l'ONU, ce lundi. V.D. (à Moscou)