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Libération
Analyse

Bachar al-Assad, d’échecs militaires en victoires diplomatiques

Le soutien russe s’intensifie, y compris sur le terrain, alors que le dictateur syrien est plus affaibli que jamais. Les capitales occidentales n’osent plus poser son départ comme préalable.
Bachar al-Assad, le 26 août 2015 à Damas pendant une interview. (HO. Syrian Arab News Agency (SANA). AFP)
publié le 28 septembre 2015 à 20h06

L’encerclement de Damas est en cours. Même s’il est difficile de prévoir lorsqu’il sera terminé, force est de constater que les banlieues du nord de la capitale syrienne tombent les unes après les autres, principalement entre les mains de l’Armée islamique, un groupe soutenu par l’Arabie Saoudite. Le grand axe routier qui réunit la ville à Hama et Homs est aussi en péril, menacé cette fois par l’Etat islamique depuis Palmyre et, là encore, par l’Armée islamique. En quatre ans et demi, ce sont les deux tiers du pays que le régime a perdu. Restent sous contrôle Damas, une partie d’Alep, les grandes villes de Hama et Homs, dans le centre, et le littoral méditerranéen.

«Fatigue». Fin juillet déjà, le président Bachar al-Assad, qui vient de fêter ses 50 ans, reconnaissait pour la première fois qu'il renonçait à reconquérir les territoires perdus et n'avait plus assez de forces pour défendre toutes les régions encore sous son contrôle. «Nous sommes obligés, dans certaines circonstances, d'abandonner certaines régions pour transporter nos troupes vers la région à laquelle nous sommes attachés», déplorait le dictateur. Dans le même discours, il reconnaissait «la fatigue» de son armée.

Depuis, la situation militaire s'est encore dégradée. Principal point faible : ses forces armées, qui sont le dernier pilier de son régime, comptent de moins en moins d'hommes et le renfort des milices, pour les missions de police et d'appui, ne suffit plus. «Bachar al-Assad a mobilisé tout ce qui était mobilisable et n'a donc plus la possibilité d'élargir sa base sociale», explique un chercheur américain. La communauté alaouite (environ 10 % de la population) dans laquelle il puise ses forces vives, est-elle saignée - chaque famille a perdu au moins un membre - et apparaît aussi à bout de souffle.

Mais, paradoxe syrien, plus le raïs est nu, plus il engrange de soutien diplomatique. Fin juin, quand Vladimir Poutine évoquait l'idée d'une coalition élargie contre le «terrorisme» en Syrie, même le chef de la diplomatie syrienne était sceptique. Il faudrait un «grand miracle», avait répondu Walid Mouallem. Trois mois plus tard, c'est plus de la moitié du chemin qu'a accompli le président russe, même si sa proposition de coalition contre le groupe Etat islamique n'est pas encore acceptée.

Péril islamiste. Force est donc de constater que s'il a échoué militairement, il a gagné diplomatiquement. Désormais, Washington, Londres, Berlin, et depuis peu Paris, ne posent plus désormais son départ immédiat comme prélable à toute négociation. C'est donc sa stratégie qui a fini par payer. Elle a consisté depuis le début de la «révolution syrienne» à faire passer toute l'opposition pour des «terroristes» et des «jihadistes». Ce n'était pas vrai en mars 2011 et elle pouvait même sembler ridicule. Ce cynisme absolu s'est finalement révélé payant puisque au moins la moitié du pays est tombée entre les mains de l'Etat islamique, du Front al-Nusra (la branche syrienne d'Al-Qaeda) ou d'autres formations islamistes. Et c'est bien la peur de ce péril islamiste qui a commencé a modifier la donne diplomatique au profit d'un régime qu'Obama voulut même un temps frapper après son emploi des armes chimiques.

Reste que sur le terrain, la montée en puissance du soutien russe n’est pas à même de changer la donne face à une opposition armée toujours plus nombreuse - grâce aux jihadistes -, toujours mieux armée - grâce au soutien des puissances sunnites voisines - et toujours plus motivée - grâce à ses victoires militaires.