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Libération
Vu de Berlin

Deux chefs de la rébellion hutue rwandaise condamnés en Allemagne

Ils avaient orchestré depuis l'Allemagne en 2009 le massacre au Congo de 96 civils.
Au tribunal de Stuttgart, lundi. (Photo Deniz Calagan. AFP)
publié le 28 septembre 2015 à 14h05
Deux chefs de la rébellion hutue rwandaise ont été condamnés lundi par un tribunal de Stuttgart à de lourdes peines pour avoir orchestré depuis l’Allemagne des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, commis pour l’essentiel en 2009, à l’est de la République Démocratique du Congo. Ignace Murwanashyaka, 51 ans, le président des Forces démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) et Straton Musoni, 54 ans, vice président de cette organisation hutu, ont été respectivement condamnés à 13 et 8 ans de prison.
C’est la première fois que l’Allemagne juge sur son sol des personnes accusées d’avoir commandité des atrocités à l’étranger depuis la République fédérale. L’accusation reprochait aux deux hommes d’avoir piloté depuis l’Allemagne où ils vivaient avec le statut de réfugié politique depuis les années 80, «toute la palette d’atrocités qu’on peut imaginer dans une guerre civile», selon le procureur Christian Ritscher. L’essentiel des délibérations a porté sur un massacre commis le 10 mai 2009 dans le village de Busurungi, au cours duquel ont péri «au moins 96 civils, selon un rapport de l’ONU, abattus par balle, poignardés, ou découpés à la machette». Toujours selon le rapport de l’ONU, des familles entières de militants du FDLR auraient participé au massacre, armées de bâtons ou de machettes. «On a vu des enfants assassiner d’autres enfants», souligne le rapport. Massacres à la machette ou à la houe, viols, pillages, incendies, recrutement d’enfants soldats, prises d’otages…. Les deux hommes devaient répondre de 26 crimes contre l’humanité et 39 crimes de guerre ainsi que de la direction d’une entreprise terroriste à l’étranger. Le tribunal est convaincu qu’Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni ont dirigé des troupes leur obéissant aveuglement sur le terrain par SMS et par e-mails depuis le Bade-Wurtemberg.
La durée du procès – plus de quatre ans – témoigne de la difficulté de l’entreprise. Problèmes de traduction, éloignement géographique, difficulté à obtenir les témoignages de survivants, incompréhension culturelle, déjà autour de ce qu’est le FDLR : mouvement politique dont l’objectif militaire se limite à la défense des réfugiés hutus du Congo pour la défense ; organisation terroriste héritée du génocide de 1994, qui poursuit ses exactions au Congo voisin, selon l’accusation. Même ambiguïté lorsque le tribunal aborde la question des civils. Lorsque les témoins du FDLR parlent de «civils», ils parlent des réfugiés hutus du Rwanda. Les villageois aux côtés de l’armée congolaise sont pour eux des «ennemis» au même titre que les soldats.
Au-delà des deux accusés, le verdict est «la première tentative» pour l’Allemagne de «contribuer à la traque mondiale» des pires criminels, souligne le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains, alors que le pays s’était montré incapable de poursuivre les criminels nazis.
Le message de la justice allemande est en tout cas clair, à l’heure où les services de sécurité redoutent que des terroristes de Daech puissent se cacher dans le flot de réfugiés syriens. La République fédérale n’acceptera pas qu’on abuse de l’asile politique.