«Si Hitler décide d'envahir l'enfer, a dit un jour Winston Churchill, je m'arrangerai pour glisser, dans un discours à la Chambre des communes, une ou deux allusions favorables au diable.» Voilà, mutatis mutandis, la situation stratégique baroque dans laquelle se trouvent aujourd'hui les grandes démocraties dans le dossier syrien. Elles dénonçaient un dictateur sanguinaire, Bachar Al-Assad, bourreau de son peuple. Voilà que ce tyran a favorisé l'apparition d'une tyrannie pire que la sienne, celle de l'Etat islamique, dont le comportement monstrueux et l'extension internationale par le terrorisme relèguent au second plan les crimes du régime de Damas. Peu à peu, les Occidentaux changent d'ennemi principal. Le diable Assad se bat contre Daech : on lui trouve finalement quelques vertus, d'autant qu'il bénéficie du soutien soudain renforcé de Vladimir Poutine, remis dans le jeu par l'impuissance des Occidentaux à mettre fin à la guerre civile. Ceux qui pensent qu'une bonne dictature vaut mieux qu'une mauvaise démocratie triomphent : plutôt que de courir après la chimère d'une révolution arabe démocratique, il eût mieux valu soutenir Assad depuis le début. Mais au jeu des arguments rétrospectifs, on peut aussi bien soutenir qu'une intervention énergique et rapide pour favoriser l'opposition démocratique - ce que proposaient la France et quelques autres - aurait épargné des années de souffrance au peuple syrien et prévenu le renforcement du djihadisme moyenâgeux de Daech. Débat un peu vain à vrai dire : l'urgence est effectivement à la recherche d'un apaisement en Syrie, qui permette ensuite de réunir les forces en présence contre la menace islamiste. Tout en gardant en tête que le maintien provisoire d'Assad, serait-il de bonne realpolitik, est une insulte à ses victimes et la dangereuse récompense d'un cynisme sans limites.
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