Menu
Libération
Parcours

Réfugiés : que sont-ils devenus ?

Leur photo a fait le tour du monde, leur histoire a été très suivie sur les réseaux sociaux ou dans les médias. Retour sur le parcours de cinq réfugiés, de la Syrie à l'Europe.
A Röszke, en Hongrie, le 8 septembre, la journaliste d'extrême droite Petra László (à droite) faisant tomber le réfugié syrien Osama Abdul Mohsen et son fils qu'il portait dans ses bras. (Photo Marko Djurica. Reuters)
publié le 30 septembre 2015 à 11h11

Leur histoire a été relayée dans les médias et provoqué l'indignation ou la compassion. Sari, Laith, Osama, Hannan et Abdul sont tous des réfugiés syriens devenus des symboles de ce qu'on appelle la crise des migrants. Libé revient sur leur périple et sur ce qu'ils sont devenus.

Laith, père de famille syrien dont la photo a fait le tour du monde

Cette photo a fait le tour du monde en août dernier. On y voit Laith Majid, un réfugié syrien, en larmes, serrant contre lui ses enfants après avoir atteint en bateau l’île grecque de Kos en Grèce. Laith Majid a quitté la ville syrienne de Deir Ez-zor avec sa femme, leurs trois fils de 18, 17 et 9 ans et leur fille de 7 ans. La famille est arrivée sur l’île de Kos à bord d’un canot gonflable prévu pour quatre personnes mais transportant une douzaine de réfugiés. Ils auraient payé environ 5 800 euros pour la traversée.

«Après plus de deux heures de navigation, le bateau a commencé à se dégonfler, l’eau a commencé à s’infiltrer et les réfugiés étaient trempés lorsqu’ils sont parvenus au rivage»,

raconte le photographe allemand

, qui a pris le cliché. Début septembre, la famille a enfin trouvé refuge à Berlin,

, à l’ouest de la capitale.

Osama, réfugié syrien victime d’un croche-pied 

La

a provoqué l’indignation. En septembre dernier, alors que la police chasse les migrants à la frontière serbo-hongroise à Röske, Pétra László, une journaliste hongroise d’extrême droite qui filme la scène, fait un croche-pied à un réfugié portant son enfant, les faisant tous deux tomber dans l’herbe. Osama Abdul Mohsen a fui avec sa femme et ses trois enfants la ville de Deir el-Zor en Syrie. Après la polémique, la journaliste a été limogée et Osama Abdul Mohsen est arrivé en Espagne le 17 septembre, où il s’est vu offrir l’asile pour lui et sa famille mais aussi un poste au centre espagnol de formation des entraîneurs, à Getafe dans la banlieue sud de Madrid (il était entraîneur de foot d’une équipe de première division syrienne). Mais ce Syrien a aussi été l

l’accusant d’être un islamiste ou d’avoir contribué à la mort de 50 Kurdes il y a dix ans. Osama Abdul Mohsen se dit victime d’un complot

«des amis de Bachar al-Assad». 

Miguel Angel Galan, le directeur du centre de formation de Getafe, a aussi indiqué à

Libération

avoir eu confirmation auprès des services de renseignements espagnols

«que tout cela est un mensonge».

Hannan, Kurde syrien, 22 ans

Hannan (

fuit Alep, en Syrie, en 2012. Il passe six mois seul en Turquie puis retrouve une partie de sa famille dans un camp de réfugié en Bulgarie, en attendant de recevoir son statut de réfugié. Trois mois plus tard et toujours bloqué dans le camp de réfugiés, il rencontre un journaliste du

qui le décrit comme un homme charmeur

«qui ne cesse de faire des plans sur sa vie future, lorsqu’il sera installé en France ou dans un autre pays d’Europe occidentale»

. Il est certain de trouver du travail en Europe :

«Ceux qui ne trouvent pas de travail dans ces pays-là c’est qu’ils ne sont pas bien malins»

. En septembre dernier, le journaliste retrouve Hannan à Sendesneben, près de Hambourg dans le nord de l’Allemagne, où il habite depuis un an. A son arrivée dans le pays, il a rapidement le droit à une chambre d’hôtel, puis obtient un appartement. Quatre mois plus tard, il reçoit son titre de séjour de trois ans et un document lui permettant de voyager. Son père et son frère ont pu le rejoindre voilà un mois. Il continue de suivre des cours d’allemand :

«Il faut savoir parler pour s’intégrer»

explique-t-il au

Monde.

Il suit aussi des cours pour pouvoir s'inscrire

à la fac de sciences politiques et, pour gagner sa vie, fait un stage

«dument rémunéré»

aux bureaux de la ville de Sendesneben. Il rêve de vivre au Canada dans quelques années.

Abdul, réfugié syrien au Liban

Le 25 août, Gissur Simonarson, fondateur du site Conflict News, poste

la photo d’un réfugié portant sa fille endormie sur ses épaules tout en vendant des stylos dans les rues de Beyrouth, au Liban. L’image provoque l’émotion sur le web. Gissur Simonarson crée alors un

pour le retrouver. Deux jours plus tard, un habitant de Beyrouth le repère. L’homme s’appelle Abdul Haleem al-Kader et vit seul dans la capitale libanaise avec ses deux enfants. Ancien ouvrier dans une usine syrienne de chocolaterie, il a fui le camp de réfuigés de Yarmouk, en Syrie, avec sa fille de 4 ans et son fils de 9 ans. Quatre ans plus tôt, il avait déjà tenté l’exil vers l’Egypte mais sa femme avait préféré retourner en Syrie. Gissur Simonarson décide de lancer une

pour recueillir des dons afin de l’aider

«à prendre un nouveau départ dans la vie».

L’opération dépasse toutes les attentes. La collecte recueille plus de 190 000 dollars, bien au-delà de l’objectif de 5 000 dollars fixé au départ.

 «Je n’ai pas réussi à contenir mes larmes. Je n’arrêtais pas de dire "merci Dieu, merci Dieu" en embrassant mes enfants»

a réagi Abdul Haleem al-Kader en apprenant la nouvelle. Avec tout l’argent rassemblé, ce père de famille veut aider d’autres Syriens avant de tenter sa chance ailleurs :

«J’espère emmener mes enfants en Europe et y vivre.»

Et si cela ne marche pas, il a prévu un plan B : ouvrir un magasin de chocolat au Liban.

Sari, étudiant syrien, 27 ans

Ce jeune Syrien (photo Twitter) a fui la ville de Deir ez-Zor, aujourd’hui quasiment sous le contrôle de l’Etat islamique, pour ne pas combattre dans les rangs de l’armée de Bachar al-Assad :

«Je ne rejoindrai jamais une machine à tuer. Je suis moi-même incapable de tuer un petit oiseau»,

explique-t-il à Nicolas Delesalle, journaliste à

qui le rencontre une première fois, par hasard, en Turquie, où il a pu se réfugier. Un an plus tard, Sari galère. La boutique qu’il avait ouverte en Turquie a été cambriolée. Ruiné, il part à Istanbul où il est exploité dans le tourisme :

«Je trimais 15 heures par jours, 7 jours sur 7, pour 250 livres par semaine. 75 euros.»

A bout, il annonce à Nicolas Delesalle par Facebook qu’il veut tenter le

«voyage de la mort»

en rejoignant la Méditerranée à la nage. Il paiera finalement des passeurs pour prendre un bateau. Le journaliste a raconté son périple

. Le 9 septembre, Sari a réussi sa traversée dans un canot en caoutchouc jusqu’à l’île de Lesbos en Grèce. A bord : 47 hommes et femmes, trois enfants et deux bébés. Il rejoint ensuite Athènes puis la Macédoine, la Serbie. Comme il n’est qu’avec des hommes, il avance vite, jusqu’à ce qu’il se retrouve bloqué dans un camp en Autriche le 13 septembre. La frontière est fermée. Le 17 septembre, Sari arrive finalement en Allemagne et retrouve son frère installé à Stuttgart après trois ans de séparation.

«Tout va bien. Il a réussi»,

écrit le journaliste sur Twitter.

Mais le 29 septembre, le journaliste redonne des nouvelles de Sari sur Twitter et elles ne sont pas bonnes. Le réfugié a dû retourner dans un camp le temps que sa demande d'asile soir étudiée. «Cela peut durer des mois. Il vit dans un camp avec six mille réfugiés. Il ne connaît personne […] Sa famille est en train de "mourir de faim" à Deir ez-Zor, là où les Rafale français viennent de détruire un camp de Daech.»