L'étau se resserre sur Dilma Rousseff (Parti des travailleurs, PT). Hier encore, on prêtait à la présidente du Brésil un moral d'acier malgré la crise économique et politique qui la fait vaciller. Mais elle ne cache plus son abattement après un revers qui risque d'enflammer ses détracteurs. Car les partisans de sa destitution tiennent contre elle un argument juridique : le rejet, mercredi, pour la première fois en soixante-dix-huit ans, de la gestion des finances publiques pour 2014, dernière année de son premier mandat. Or les entorses aux lois régissant la comptabilité de l'Etat constituent une faute passible d'impeachment.
«Putschisme». Les irrégularités portent sur 106 milliards de reals (près de 25 milliards d'euros). L'une des plus critiquées a consisté à tenter de masquer la détérioration de la situation budgétaire en faisant assumer aux banques publiques des dépenses sociales sans que les montants nécessaires n'aient été avancés au préalable par le Trésor, comme l'exige la loi. Rousseff s'est aussi rendue coupable, en pleine année électorale, d'avoir engagé de nouvelles dépenses sans l'autorisation du Congrès.
En tentant - en vain - de faire suspendre le jugement et d'écarter le rapporteur du dossier, accusé de «partialité», la Présidente «s'est tiré une balle dans le pied», selon son entourage. La Cour des comptes a réagi par un vote unanime contre elle, ce qui ne laisse rien présager de bon pour l'examen de son rapport au Congrès, qui a le dernier mot sur la question.
Menée par le Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), l'opposition de droite et de centre droit est en liesse. Accusée de «putschisme» par la gauche, elle se range désormais derrière Hélio Bicudo, transfuge du PT et auteur de la principale demande de destitution de Rousseff. Pour le PT, cette figure historique de la gauche serait «instrumentalisée» par la droite. Bicudo, lui, explique sa démarche tant par la gestion peu transparente des finances publiques que par la «mise à sac» du géant pétrolier Petrobras. Mais cette demande a peu de chances d'aboutir. Pour faire avancer l'impeachment, les plus exaltés promettent de recourir à l'assemblée plénière du Parlement, dans laquelle le gouvernement n'a plus qu'une majorité instable malgré le récent remaniement ministériel. Sous la houlette de Lula, son mentor, Rousseff a offert sept portefeuilles à son principal allié, le Parti du mouvement démocratique brésilien, afin de tenter de ressouder sa coalition. Peine perdue.
Plainte. Le calvaire de «Dilma» ne s'arrête pas là. Mardi, la Commission électorale a jugé recevable la plainte du PSDB, qui demande l'invalidation de la présidentielle, alléguant que la chef d'Etat aurait reçu des fonds détournés de Petrobras durant sa campagne. Pour le politologue Jorge Zaverucha,«il ne lui reste plus qu'à démissionner. La Présidente a perdu popularité et crédibilité. Le Brésil ne pourra supporter une telle situation pour encore trois ans [jusqu'à la fin de son mandat, en 2018, ndlr]».