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Libération
Éditorial

En Israël et en Palestine, deux leaders affreusement dépassés

publié le 11 octobre 2015 à 19h26

Pour mieux comprendre le soulèvement en cours à Jérusalem et Gaza, il faut relire les discours prononcés par Mahmoud Abbas et Benyamin Nétanyahou à la tribune des Nations unies il y a une dizaine de jours. Tout y est dit ou presque. Le président palestinien, qui avait promis un coup d'éclat, n'a délivré qu'un message ambigu, indiquant qu'il ne se sentait plus lié par les accords de paix avec les Israéliens sans expliquer vraiment l'impact qu'une telle décision aurait sur la suite. Un discours plus mou que prévu qui a sans doute achevé de dilapider son crédit auprès d'une jeunesse palestinienne chauffée à blanc par l'absence de toute perspective de vie normale. Ce vieux routier de la politique en était conscient puisque ses derniers mots ont été pour l'ONU, appelée à prendre ses responsabilités «avant qu'il ne soit trop tard». Le Premier ministre israélien, lui, a prononcé un discours incroyablement agressif, fustigeant l'ONU pour s'être intéressée de trop près aux pratiques de Tsahal durant l'été 2014 à Gaza - allant jusqu'à qualifier de «conseil des droits des terroristes» le Conseil des droits de l'homme -, accablant la communauté internationale pour avoir renoué avec l'Iran, et alertant sur les dangers de ce «monde imprégné de tyrannie et de terreur» dans lequel Israël et les pays occidentaux doivent se débattre. Un discours dans lequel la société palestinienne se résumait au Hamas, la nécessité de rouvrir le dialogue avec Abbas ou son successeur n'étant évoquée qu'à la fin, comme si le processus de paix n'était déjà plus le sujet. De fait, les autorités israéliennes semblent ne pas savoir comment répondre au soulèvement en cours. Comme l'explique Amos Harel dans Haaretz, quotidien israélien positionné à gauche, «Israël apporte des solutions dépassées à des circonstances nouvelles.» En répondant par la force à des actes isolés, Benyamin Nétanyahou ne fait qu'attiser la haine et l'envie de vengeance. Certes, ne versons pas dans l'angélisme, des hommes du Hamas et du Jihad islamique se mêlent sans doute à la foule des lanceurs de pierres, voire parmi ceux qui commettent des actes odieux en attaquant des Israéliens. Mais, pour l'instant, la grande majorité des révoltés sont des lycéens ou des étudiants palestiniens qui n'ont pour horizon que le mur, les check-points et les humiliations quotidiennes. Les milices armées du Fatah, qui avaient contribué à militariser la dernière Intifada, ne se sont pas encore jointes à la révolte, mais si rien n'est fait pour apaiser la situation, elles le feront et il sera trop tard pour stopper la spirale infernale.

Que faire ? Aucun des deux dirigeants n’est à la hauteur. Mahmoud Abbas n’a plus guère d’autorité sur son peuple qui ne sait même plus s’il veut son départ (tant l’alternative paraît vaine voire pire), mais il faut par tous les moyens convaincre Benyamin Nétanyahou de renouer le dialogue avec lui et de faire cesser les provocations sur l’esplanade des Mosquées. Avoir la force d’envoyer un signe de paix - même infime - malgré les morts. Il en va de la vie des Palestiniens mais également de celle des Israéliens.