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Libération
Éditorial

Les concessions de Loukachenko, un écran de fumée

publié le 11 octobre 2015 à 19h26

Les gouvernements européens passent et Alexandre Loukachenko, le président biélorusse dont l'élection à un cinquième mandat ne faisait dimanche aucun doute, reste. Et ce depuis vingt-et-un ans. Mettant en garde contre une levée précipitée des sanctions contre Minsk, la nouvelle Prix Nobel de littérature, l'écrivain biélorusse Svetlana Alexievitch, a mis le doigt sur le problème : «Tous les quatre ans, de nouveaux responsables européens viennent au pouvoir et pensent pouvoir régler le problème Loukachenko, sans savoir qu'il n'est pas un homme digne de confiance.» Mais ce serait une erreur de croire qu'ils ne le savent pas. Car depuis des années, ils ont tout essayé avec celui qu'ils ont surnommé «le dernier dictateur d'Europe». Mais aujourd'hui, il a l'air plus présentable car il a su garder sa neutralité dans le conflit entre l'Ukraine et la Russie, et jouer le facilitateur des négociations, qui se sont toutes déroulées à Minsk. A chaque élection, l'UE arrache à l'autoritaire président la libération de prisonniers politiques, et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) surveille un scrutin dont tout le monde sait qu'il est joué d'avance. Les observateurs finissent toujours par reconnaître que le processus électoral est bien en-deçà des normes fixées, à savoir qu'elles ne sont «ni libres ni démocratiques». Le dictateur remet des opposants en prison et les Européens rétablissent des sanctions qu'ils promettent de lever à chaque avancée démocratique. En 2010, Loukachenko a fait fort. Il a fait embastiller ni plus ni moins que sept des neuf candidats à la présidentielle. Le dernier, Mikola Statkevitch, condamné à six ans de prison pour «troubles massifs», à savoir la contestation des résultats truqués du scrutin, a été libéré fin août seulement. Alors bien sûr, l'opposition a compris, et la seule candidate à le défier est accusée de collusion avec le régime par ses anciens camarades.