Collaborateur régulier de
Libération,
le photographe Martin Colombet tient un carnet de route de la campagne de Gnangbo Kacou, député ivoirien du Sud-Comoé, en lice pour l’élection présidentielle du 25 octobre. Une campagne avec peu de moyen face à Alassane Ouattara, le président sortant. Il livre son carnet-photo jusqu’au jour de l’élection.
Jour de vote
Face aux électeurs
Dernière ligne droite
Meeting à Gagnoa
19 octobre. Le ciel est noir et le vent se lève, un orage se prépare. Nous sommes à Gagnoa, dans le centre du pays. Ici, c'est le fief de l'ancien président, Laurent Gbagbo, aujourd'hui emprisonné par la Cour pénale internationale à La Haye suite à la grave crise politique qui l'avait opposé en 2010 au président actuel, Alassane Ouatarra. Dans la région, la guerre civile avait été très violente et beaucoup de gens restent très marqués par les événements. Une discussion politique amène vite à parler des fuites, des exactions, des morts.
Un dimanche de campagne à l’église
18 octobre. Le toit en tôle de l'église tremble sous l'intense pluie de saison qui s'abat ce matin sur Abidjan. Il est 10 heures, je n'avais jamais été dans une église évangélique. Le temps d'une messe, la politique se fait oublier. Les deux premières semaines de campagne ont été éprouvantes et c'est une pause qui fait du bien à tout le monde. Hier, nous avons fait cinq meetings, les plus gros depuis le début de la campagne. La pression monte, les médias étrangers commencent à arriver et l'équipe de conseillers et de collaborateurs autour du candidat est de plus en plus importante. Lundi sera le premier jour de la dernière semaine de cette campagne éléctorale.
Rendez-vous avec les ancêtres
C’est un autre monde là sous mes yeux. Ce qui me frappe en Afrique, c’est le rapport au sacré, au mystique. Nous sommes à la chefferie d’Adiake et ces hommes réunis communiquent avec leurs morts, dans le silence, ils les convoquent. Le candidat est venu demander de l’aide et, ce soir, les chefs du village versent de l’alcool sur la terre de leurs ancêtres et demandent aux morts de guider les vivants et de veiller sur eux. Ce rituel, c’est la libation.
Meeting à Abidjan
15 octobre. Ce soir, c'est meeting à Anono, un quartier populaire d'Abidjan. La nuit est déjà tombée à notre arrivée et il nous faut percer une foule compacte, réunie dans l'attente depuis plusieurs heures. Deux cent personnes massées dans une rue sans éclairage clament le nom du candidat et brandissent des affiches avec ferveur. Par moments, je crains un mouvement de foule, je redoute la fin du meeting. Commencent les discours, beaucoup de jeunes hommes, d'enfants, tout autour de nous, très proches. A tour de rôle, les membres de la délégation prennent la parole, et à chaque fin de phrase, le candidat déchaîne la foule. Beaucoup de promesses, beaucoup d'espoirs. Demain, nous partirons pour le centre du pays.
Début de campagne
13 octobre. Nous avons passé les trois premiers jours de la campagne dans le sud-est du pays, à la frontière avec le Ghana. Nous avons tenu une dizaine de meetings en deux jours. J'ai chaud, nous mangeons peu, je n'ai pas l'habitude. J'effraie les enfants qui n'ont pas souvent vu de Blancs, et les autres m'appellent Jésus, ils s'affairent autour de moi pour toucher ma peau. Dimanche dans la nuit, nous avons pris la route d'Abidjan. Alors que jeudi rien ne se faisait pressentir, la ville est aujourd'hui recouverte des affiches des différents candidats. Les jeunes se font quelques sous en collant des affiches ou en jouant de la musique pendant les meetings, c'est le début de la campagne.
Arrivée à Abidjan
Jeudi 8 octobre, Abidjan, il est 20 heures. Pour la première fois de ma vie, je pose un pied en Afrique, et cette idée me remplit d'excitation et de peur. La ville fourmille, remplie de voitures qui foncent dans tous les sens. Dès mon arrivée, je suis saisi par la chaleur humide et l'air affreusement pollué. Le soir même, je rejoindrai Abiaty, un petit village du Sud-Comoé, à trois heures de route et de pistes d'Abidjan. Pendant vingt jours, je vais suivre le député de cette région, Gnangbo Kacou, qui est candidat à l'élection présidentielle ivoirienne. Le lendemain matin, ce sera le lancement officiel de la campagne, et l'enjeu est de savoir si un candidat est en mesure d'empêcher une réélection qui semble promise au président actuel, Alassane Ouattara.