De Jabel Moukaber à Tzur Baher en passant par Beit Hanina, le bouclage des quartiers arabes de Jérusalem décrété par le cabinet israélien de la sécurité est bien en place. S’il est facile de pénétrer dans ces anciens petits villages palestiniens intégrés contre leur volonté dans le «Grand Jérusalem», il est nettement plus compliqué d’en sortir : la plupart de leurs accès à la zone sont coupés par des blocs de bétons surveillés par des gardes-frontières ou des policiers. Les voitures, les autobus et même les ambulances ne passent plus. Quiconque veut se rendre dans la vieille ville ou à Jérusalem-Ouest (la partie juive) pour y travailler doit impérativement passer le contrôle à pied.
«Sors ta carte d'identité», «Vas par-là», «Soulève ta chemise et tourne-toi», «Et maintenant tes jambes de pantalon», les ordres claquent. Les Palestiniens ne tentent même pas de discuter. Ils savent qu'ils n'ont pas d'autre choix que de se soumettre en silence. Ou de faire demi-tour. Devant le barrage de Jabel Moukhaber, les gardes-frontières sont d'autant plus suspicieux que les organisations palestiniennes avaient proclamé ce vendredi une «journée de la révolution», immédiatement après la fin de la grande prière sur le Haram al-Sharif, l'esplanade des mosquées.
Boulons contre grenades
De fait, les échanges de pierres et de boulons palestiniens contre les grenades et les balles israéliennes ont éclaté une heure plus tard. A Hébron (au moins trois blessés palestiniens) et à Bethléem, mais également à Naplouse, à Tulkarem et devant le checkpoint de Kalandia coupant la route entre Jérusalem et Ramallah. A 60 kilomètres de là, plusieurs Gazaouis ont également été blessés alors qu’ils approchaient la «barrière de sécurité» séparant l’Etat hébreu de leur enclave.
Cette «journée de la révolution» avait même débuté dans la nuit de jeudi à vendredi, lorsque des centaines de Palestiniens ont incendié le tombeau de Joseph, un lieu saint juif situé à proximité de Naplouse (Cisjordanie), généralement fréquenté par des ultra-orthodoxes circulant en convoi sous la protection de Tsahal (l’armée).
Durant la deuxième intifada, le même bâtiment avait déjà été incendié au terme de plusieurs heures de combat entre policiers palestiniens et soldats israéliens. Réagissant aux protestations internationales, Yasser Arafat l’avait aussitôt fait remettre en état. Cette fois, ce sont des pompiers palestiniens qui ont étouffé les flammes. Et Mahmoud Abbas s’est empressé de dénoncer le saccage.
Vendredi matin, un ado palestinien âgé de 13 ans a été arrêté à l'entrée de la vieille ville de Jérusalem. Allait-il perpétrer une nouvelle attaque à l'arme blanche ? Ses parents résidant à Beit Hanina jurent que non, mais pour les services de sécurité de l'Etat hébreu, l'affaire est pliée : «On a évité une nouvelle tuerie», disent-ils.
En revanche, près de Kyriat Arba, l’une des colonies les plus extrémistes de Cisjordanie, personne n’a pu empêcher un sympathisant du Hamas déguisé en reporter photographe de poignarder un soldat en faction. Si ce dernier est gravement blessé, l’assaillant a été abattu.
Feuille de boucher
Contrairement à ce faux journaliste, plusieurs des auteurs des attentats les plus spectaculaires de la semaine écoulée sont originaires de Jabel Moukhaber. Parmi ceux-ci, Alaa Abou Jamal, un employé de la compagnie téléphonique israélienne Bezeq, est devenu un héros encensé par Al Quds TV, la chaîne du Hamas, après avoir foncé avec sa camionnette de service sur un groupe de passants et achevé l’un d’eux à coups de feuille de boucher. Le tout filmé par une caméra de surveillance de la municipalité de Jérusalem.
Depuis lors, l’arme d’Abou Jamal – dont l’effet est aussi ravageur qu’une hache bien aiguisée – est devenue le signe de ralliement des jeunes Palestiniens les plus radicaux, qui la dessinent sur les murs de leur village aux côtés de slogans vengeurs en arabe.
«Ces graffitis sont des cris de révolte, pas des appels au meurtre», jure Mohamad (nom d'emprunt), l'un des nombreux cousins d'Abou Jamal, également employé par une entreprise israélienne. «Je comprends qu'en Israël, les gens soient paniqués par les attaques à l'arme blanche, mais eux ne comprennent pas – ou ne veulent pas comprendre – que beaucoup d'entre nous sont à bout de patience. Qu'ils n'en peuvent plus de cette colonisation qui leur pourrit leur vie quotidienne avec ces contrôles, ces intimidations, ce mépris permanent. Depuis quinze jours, les Israéliens ne font que pleurer sur leur sort, sans jamais se remettre en question ni se demander comment on en est arrivé là.»