Mise à jour dimanche à 19h37 : Henriette Reker a été élue dimanche maire de Cologne (selon des résultats provisoires).
Samedi, 9 heures, sur le marché du quartier de Braunsfeld à Cologne, en Allemagne. Henriette Reker rejoint le stand décoré de ballons orange (CDU, conservateurs), verts (Grünen, écologistes) et jaunes (FDP, libéraux) de ses supporters. C’est la dernière ligne droite pour cette candidate, sans parti, aux élections municipales de Cologne. Soutenue par une insolite coalition anti-SPD (sociaux-démocrates), elle avait de bonnes chances d’emporter le scrutin de ce dimanche lorsqu’un inconnu armé de deux couteaux s'est jeté sur la candidate, la blessant grièvement au cou. La vie d’Henriette Reker n’est plus en danger. Mais la démocratie allemande est en émoi. Car ce n’est pas tant la candidate au poste de maire de Cologne qui a été visée que la conseillère municipale chargée de l’accueil des réfugiés à la mairie de Cologne, poste qu’elle a occupé jusqu’à sa candidature aux municipales.
«Reker et Merkel nous inondent de réfugiés», a déclaré Frank S., chômeur de longue durée de 44 ans au passé néonazi, pour expliquer son geste. Selon l'hebdomadaire der Spiegel, S., originaire de Bonn, était membre d'un parti d'extrême droite – entre temps interdit – au début des années 90. Selon les enquêteurs, S. n'avait plus de contact avec cette mouvance mais aurait été repéré récemment sur le Net pour ses commentaires xénophobes sur divers forums. Dans la soirée, les dirigeants et responsables de tous bords politiques de la région ont formé une chaîne humaine «contre la violence» devant l'hôtel de ville de Cologne. Parmi les réactions, celle d'Angela Merkel, qui a exprimé «sa stupeur», alors qu'elle est de plus en plus critiquée pour sa gestion de l'afflux des migrants.
Incitation à la haine
Lundi soir, le mouvement anti-islam Pegida s’apprête à fêter avec un défilé record ses un an de «marches» contre les migrants, dans son bastion de Dresde, en ex-RDA. En pleine radicalisation, Pegida avait défilé lundi dernier avec une potence en bois. Deux cordes accrochées à ce gibet de fortune étaient réservées à «Angela Merkel» et à son vice-chancelier, le président du SPD Sigmar Gabriel. Le procureur a lancé une enquête contre X pour incitation à la haine.
L’attaque au couteau contre Henriette Reker rappelle des agressions similaires survenues dans le passé, dans un pays où le mythe du politicien proche du peuple et accessible a la vie dure : Angela Merkel a longtemps continué à faire elle-même la queue à la caisse de son supermarché de Berlin. Plusieurs attaques spectaculaires ont marqué le pays : Oskar Lafontaine, alors tête de liste du SPD pour les élections législatives, s’était fait attaquer au couteau en 1990 ; quelques mois plus tard, Wolfgang Schäuble, alors ministre de l’Intérieur, était blessé par balles lors d’un meeting électoral. Il restera paralysé des deux jambes. A l’époque, le souvenir des attentats perpétrés par la bande à Baader contre dirigeants politiques et grands patrons étaient encore très présents dans les esprits. L’attentat comme instrument du combat politique, tradition du nord de l’Europe ? En Suède, Olof Palme et Anna Lindh ont payé leur engagement politique de leur vie.