Dimanche, la police pakistanaise a révélé l’arrestation, dix jours plus tôt, d’un jeune guérisseur chrétien. Originaire de Sargodha, dans la province du Pendjab, Naveed John est accusé d’avoir profané une épée ornée de versets coraniques, qui aurait servi à soigner ses patients. Incarcéré, Naveed attend son procès. Il risque jusqu’à dix ans d’emprisonnement.
Blasphème ou règlement de compte ?
«L'arrestation a été faite après que certains voisins se sont plaints de Naveed John. Il a utilisé une épée où étaient gravés des versets islamiques pour soigner ses patients, ce qui a heurté leurs convictions religieuses», a déclaré Ameer Mukhtar, un représentant de la police locale, à l'AFP.
Très populaire, Naveed John, 24 ans, exorcisait et soignait ses patients, toutes religions confondues. Sa notoriété est telle que ses admirateurs lui ont offert une épée, quelques jours avant son arrestation. Un cadeau symbolique que le guérisseur s’est empressé de mettre sous verre. Utilisée à mauvais escient selon les détracteurs de Naveed John, l’épée a été profanée. A travers elle, le Coran l’aurait aussi été.
Mais le grand frère du guérisseur présente une tout autre version des faits, rapportée par le Pakistan Christian Post. Grâce à une plainte fictive, la police locale aurait inventé toute l'histoire pour se venger, d'après lui. Quelques jours avant l'arrestation de Naveed John, des officiers seraient passés au domicile familial pour soutirer de grosses sommes d'argent au guérisseur, en échange de leur protection. Le jeune homme aurait refusé, ne disposant pas de la somme astronomique.
La réussite de Naveed John n'est pas le seul facteur qui aurait pu attiser la haine à son encontre : il est aussi chrétien. Issu d'une communauté particulièrement discriminée dans la région du Pendjab, Naveed ne peut, tout comme ses coreligionnaires, parler librement du fait religieux sans être accusé de blasphème par d'éventuels délateurs. Au Pakistan, les lois anti-blasphème forment une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de chaque chrétien.
Le cas d’Asia Bibi
De nombreux cas de blasphème sont recensés au Pakistan, l'histoire d'Asia Bibi étant la plus emblématique. La mère de cinq enfants est en prison depuis 2010 après avoir été condamnée à mort pour «injures contre le prophète». Le point de départ du cauchemar de la chrétienne : une chamaillerie. Lors d'une cueillette de baies falsa, la mère de 38 ans est sollicitée par trois collègues, assoiffées, pour aller chercher de l'eau. Elle remplit un verre, boit une gorgée puis le tend aux trois autres femmes, de confession musulmane. Qui s'insurgent contre elle : boire derrière une chrétienne est «haram» (illicite). Asia Bibi, leur rétorque que, d'après elle, le prophète ne serait pas d'accord avec ce qu'elles affirment. Quelques jours après, elle est dénoncée par les trois femmes et condamnée dans la foulée pour blasphème contre le prophète.
L’accusation de blasphème est souvent une vendetta personnelle. Le code pénal compte huit articles sur le sujet. Malgré le nombre de condamnations à mort, aucune exécution n’est recensée aujourd’hui.