Avec son intervention en Syrie, la première hors de l’espace ex-soviétique depuis la déroute afghane, la Russie veut retrouver son rang de superpuissance. Cette réalité se concrétise avec la poignée de main à Moscou entre l’autocrate du Kremlin, héraut de toutes les extrêmes droites européennes comme de nombre de régimes autoritaires, et le boucher de Damas, criminel multirécidiviste contre l’humanité, qui n’était pas sorti de son pays depuis le début de la crise. L’alliance russo-irano-syrienne se met donc en place. Selon l’expression consacrée, il y aurait aujourd’hui «un nouveau shérif dans la ville», c’est-à-dire une nouvelle puissance à même de jouer un rôle leader dans un Proche-Orient en plein chaos. Le Kremlin profite de l’effacement autant que des errements de l’administration Obama. Faute de vraie stratégie pour la région, celle-ci patauge de plus en plus dans la crise syrienne après avoir perdu une partie de sa crédibilité en refusant d’intervenir en 2013 contre un régime qui, malgré ses mises en garde, avait utilisé l’arme chimique contre sa propre population. Poutine inquiète mais sa manœuvre suscite aussi un lâche soulagement. Les Européens veulent croire que le président russe pourrait aider à une transition politique avec, à terme, le départ d’Al-Assad. Rien ne montre que telle est sa volonté. Son engagement vise en premier lieu à remettre en selle le régime dans la partie du pays qu’il tient encore. Le déploiement d’importants moyens antiaériens - les jihadistes de l’Etat islamique n’ont pas d’aviation - est un avertissement aux Occidentaux. Il montre que Moscou veut s’assurer le contrôle d’une bonne partie du ciel syrien. Mais même avec l’aide russe - et iranienne -, il sera impossible pour Al-Assad de gagner la guerre. L’entrée en lice de Poutine est surtout en train d’attiser le conflit et d’alimenter le flot des réfugiés.
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