Les interlocuteurs, français ou grec, diplomates, conseillers politiques, ou représentants d'entreprise, ne manquent pas de qualificatifs élogieux pour expliquer la venue de François Hollande à Athènes les 22 et 23 octobre : « Confiance », «relation particulière entre les deux pays », «liens historiques et forts qui unissent la France et la Grèce »…
Le président français est le premier chef d'Etat européen à effectuer une visite officielle dans le pays depuis la réélection d'Aléxis Tsípras, lors des législatives anticipées du 20 septembre. Entre eux, tout semble aller pour le mieux… depuis juillet.
Après le référendum du 5 juillet, à l'issue duquel les Grecs avaient majoritairement dit non (61,31 %) aux mesures exigées par les créanciers en échange d'un nouveau prêt, Aléxis Tsípras était retourné négocier à Bruxelles, isolé. «François Hollande a joué un rôle central lors des négociations en faisant tout pour que la Grèce ne sorte pas de l'euro», explique-t-on au palais Maximou, la résidence du Premier ministre grec. «La France n'a pas ménagé ses efforts lors des moments difficiles, en juillet», confirme l'entourage du président de la République grec, Prokopis Pavlopoulos, que Hollande rencontre ce jeudi soir.
Scepticisme de la population
Du côté de la population, certains sont plus sceptiques. L'accord de prêt qu'Aléxis Tsípras a signé, le 13 juillet, est «le plus dur jamais signé par la Grèce», reconnaît un cadre français, et il passe difficilement.
«François Hollande n'a pas remis en cause la relation avec l'Allemagne mais a refusé les pires solutions, telle que la sortie de l'euro», précise à Libération Yannis Albanis, ancien membre du comité central de Syriza, qui a quitté le parti lors de la scission en août. «Alexis Tsipras fait passer François Hollande pour le meilleur amortisseur pour adoucir la politique allemande ! Il tente de faire remonter sa popularité alors qu'elle est au plus bas en France, c'est dramatique !», raille Kostas Issychos, ex-ministre délégué de la Défense, qui a quitté Syriza pour fonder Unité populaire.
«Qu'a fait François Hollande pour nous ? Il a juste compris que si la Grèce sortait, la France serait le prochain pays attaqué par les marchés. Il a donc évité la sortie, mais à quelles conditions ?», s'interroge Dimitra, une fonctionnaire pourtant proche de Syriza. «Certes, la France nous a apporté une aide à la dernière minute, reconnaît un conseiller du gouvernement grec. Mais cette rupture entre la France et l'Allemagne a été importante pour le changement du rapport de forces.» Car le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, voulait la sortie de l'euro à tout prix.
Des contrats à ramasser
Avec ce voyage, François Hollande vient «marquer la fraternité trouvée avec Aléxis Tsípras et Syriza débarrassé du courant radical», confie un responsable français du dossier. La France vient aussi chercher quelques contrats. Selon la porte-parole d'Aléxis Tsípras, Olga Gerovassili, «au centre des discussions, il y aura la gestion de la dette grecque et la promotion des initiatives d'investissements qui vont contribuer à l'accélération de la reprise de l'économie et à la croissance».
«La question maintenant est de savoir quel contrat Hollande va revendiquer», signale Yannis Albanis. Car un flot de privatisations accompagne le nouveau mémorandum. Et différents chefs d'entreprise accompagnent le chef de l'Etat, dont Pierre Coppey, directeur général délégué de Vinci, le premier investisseur étranger dans le BTP en Grèce. «Il y a des opportunités en matière d'autoroute et d'aéroport», précise le responsable presse de l'entreprise, Paul-Alexis Bouquet.
Un aéroport devrait être construit en Crète. Le président de la République aurait aussi fait pression à Bruxelles pour que soient versés au plus vite les financements européens permettant d’achever la construction de l’autoroute entre Corinthe et Patras.
Les deux pays signeront également un protocole d’accord qui prévoit un renforcement de l’aide française en matière de réformes fiscales, de gestion des actifs de l’Etat et de modernisation de l’administration. Des postes clés pour l’obtention de contrats.
Avant de regagner Paris, François Hollande aura aussi été fait docteur honoris causa de l’université d’Athènes et, fait rare pour un chef d’Etat étranger, aura prononcé un discours devant la Vouli, le Parlement hellénique.