Pascal Fauret et Bruno Odos, les deux pilotes d’avion français lourdement condamnés pour trafic de cocaïne en République dominicaine, se sont réfugiés auprès de leur famille en France où ils veulent être entendus par la justice, a révélé Le Figaro lundi soir. Leur avocat, Me Reinhart, a demandé à ce que Pascal Fauret, 55 ans, ancien de la marine nationale, et son copilote Bruno Odos «puissent être entendus rapidement» par la juge d’instruction chargée à Marseille de l’enquête française, ouverte après l’interception en 2013 d’un avion bourré de cocaïne en République Dominicaine.
Qu’est-ce que l’affaire «Air Cocaïne» ?
Les faits remontent à la nuit du 19 au 20 mars 2013 : la police dominicaine, renseignée par les Etats-Unis, intercepte sur l'aéroport de Punta Cana un Falcon 50 affrêté par la compagnie française SN-THS (depuis liquidée). Sa destination : Saint-Tropez, en France. A son bord se trouvent 26 valises contenant au total 680 kilos de cocaïne. Quatre hommes sont arrêtés : les deux pilotes, Pascal Fauret et Bruno Odos, ainsi que le passager Nicolas Pisapia et l'apporteur d'affaires Alain Castany. En août 2015, ils sont tous condamnés à 20 ans de prison. Ayant fait appel, ils sont ensuite libres de circuler sur le territoire de la République dominicaine, mais ne peuvent quitter le pays.
Pourquoi les deux pilotes sont rentrés en France
Depuis samedi, Pascal Fauret et Bruno Odos sont en France, comme le Figaro l'a révélé lundi, «non pas pour fuir la justice mais pour chercher la justice», selon leur avocat Me Jean Reinhart. «Ils ont subi depuis deux ans et demi les avatars de la soi-disante justice dominicaine pour un procès de pacotille. On revient devant la justice française discuter point par point le dossier», a encore expliqué leur défenseur sur i-Télé. La ligne de défense des pilotes est qu'il n'ont jamais su que leur avion allait servir à transporter de la drogue.
Lors d'une conférence de presse donnée en début d'après-midi ce mardi, Pascal Fauret a expliqué : «Mon réflexe c'est de retourner dans mon pays» pour «m'exprimer» devant la justice française.
Comment sont-ils rentrés ?
D'après BFM-TV, les pilotes ont été «récupérés» à Saint-Domingue et conduits, en bâteau, vers une île française. Selon Dominique Rizet, le consultant police-justice de la chaîne, il pourrait s'agir de la Guadeloupe ou la Martinique. Ce sont en fait de (bien vagues) «copains marins» qui se seraient chargés d'organiser cette «escapade».
DOCUMENT BFMTV - #AirCocaine : la photo de l'opération d'extraction des deux pilotes https://t.co/wucuePXbuC pic.twitter.com/HcODngIxQ3
— BFMTV (@BFMTV) October 27, 2015
Ce que l'on ne sait pas, en revanche, c'est comment ils ont pu concrètement débarquer sur le territoire français, sans passer par un contrôle d'identité, ni quelles compétences avaient leurs «copains» pour préparer une telle opération. «Les deux pilotes sont d'anciens militaires et ont bénéficié du soutien de leurs amis militaires et marins, qui leur ont aussi trouvé des passeports», a-t-on pu entendre sur BFM-TV, ce qui apporterait déjà quelques éléments de réponse si cela était confirmé.
Une autre incertitude porte sur la surveillance dont ils faisaient l’objet de la part des autorités dominicaines. Comment a-t-elle pu être déjouée ? On ne sait par ailleurs pas par quelle voie, de la Guadeloupe ou de la Martinique, ils ont rejoint l’Hexagone.
Lors d'une conférence de presse en début d'après-midi à Paris, Me Dupond-Moretti, l'un de leurs avocats, a refusé de s'exprimer sur les modalités de l'évasion. Toujours est-il que cette fuite «n'a pas été faite seule» et que «des gens sont impliqués», a-t-il précisé, en ajoutant que la France n'est pas liée à l'opération. Un peu plus tôt, le ministère des Affaires étrangères avait nié toute implication : «Nous prenons acte du retour en France de nos deux compatriotes. Leur décision est un acte individuel dans lequel l'Etat n'est nullement impliqué.
Quel rôle a joué l'ancien conseiller de Marine Le Pen ?
L'exfiltration de Pascal Fauret et Bruno Odos a été révéle par Le Figaro. Ce mardi matin, une autre publication plus à droite, Valeurs Actuelles, apporte à son tour son lot de révélations. Expliquant qu'il disposait des mêmes informations que Le Figaro depuis aussi longtemps, l'hebdomadaire écrit sur son site que derrière la fuite des deux pilotes se trouve Aymeric Chauprade, qui n'est autre que l'ancien conseiller spécial de Marine Le Pen, présidente du FN, écarté en janvier après une sortie sur la «cinquième colonne islamiste». Le 21 octobre, il postait un tweet le montrant en compagnie des deux hommes, en République dominicaine.
Avec nos pilotes français innocents, ce lundi à #SaintDomingue. Volonté sans faille de s'en sortir. pic.twitter.com/W48B8Qta2V
— Aymeric Chauprade (@a_chauprade) October 21, 2015
Ce mardi matin, Aymeric Chauprade a retweeté un article de BFM TV révélant son implication dans l'opération, mais sans donner de détails. Valeurs actuelles va plus loin : selon le site de l'hebdomadaire, Aymeric Chauprade a loué un hélicoptère afin de faire diversion pendant que les pilotes embarquaient dans un bateau les amenant sur une île française. Toujours selon ces informations, le même Chauprade s'est également chargé de réserver les chambres d'hôtel où ils résidaient ces dernières semaines, aux noms de «Pascuale Fauret» (sic) et «Aymeric Chauprade».
Quid des deux autres Français ?
Le passager Nicolas Pisapia et l'apporteur d'affaires Alain Castany, qui ont fait appel de leur condamnation également, sont toujours en République dominicaine. Le premier a fait «le choix de la voie légale», a expliqué son avocat, Me Julien Pinelli, ajoutant qu'il «n'était pas au courant de la démarche entreprise par les deux pilotes et n'avait de toute façon pas les soutiens nécessaires pour mettre en oeuvre une telle entreprise».
Quant au deuxième, son avocat a demandé ce mardi son rapatriement en urgence car il «risque une amputation» après avoir été blessé dans un accident de la circulation la semaine dernière. «Il a été fauché par une moto dans les rues de Saint-Domingue dans des circonstances qui restent à éclaircir», a expliqué son avocat, Me Karim Beylouni, parlant d'une «situation dramatique et extrêmement inquiétante». «Les médecins qui le suivent aujourd'hui prescrivent un rapatriement en France pour des raisons sanitaires, parce qu'on dépasse le simple cadre judiciaire et il en va de son intégrité physique», selon l'avocat, qui déplore que la fuite des deux pilotes ne puisse «que polluer toute démarche auprès des autorités dominicaines».