Les journalistes ont attendu longtemps, lundi soir, une réaction de la justice dominicaine… qui n’est arrivée que le mardi en milieu de journée. Le procureur général de la République, Francisco Domínguez Brito, s’est finalement exprimé, estimant que le départ des deux pilotes rançais constituait une preuve supplémentaire de leur culpabilité, puisque «quelqu’un qui se sait innocent ne cherche pas à fuir la justice». «Nous allons lancer un mandat d’arrêt international, a-t-il ajouté. Nous sommes en contact avec les autorités françaises non seulement pour déterminer comment s’est déroulée l’évasion, et avec quelles complicités, mais aussi pour que les accusés reviennent dans le pays assumer leurs responsabilités.»
Si la fuite des pilotes français n’a pas fait la une des quotidiens locaux mardi matin, elle a occupé une partie des journaux télévisés lundi soir. Sur CDN Canal 37, le journal de 21 heures y consacrait un sujet, avec les réactions de deux figures de l’opposition.
Féroces. Guillermo Moreno, du parti Alianza Pais (centre gauche), très engagé dans la lutte contre la corruption, déplore que «les partis, et les gouvernements successifs, ont progressivement démantelé l'Etat. L'irrespect de la loi s'est généralisé, et les institutions ne fonctionnent pas». Un constat que partage Orlando Jorge Mora, du Parti de la révolution moderne (PRM, centriste) : «La justice dominicaine est très affaiblie. Il faut approfondir la réforme du pouvoir judiciaire afin qu'il retrouve sa crédibilité.»
Sur la station Z Digital, le commentateur politique Ricardo Nieves n'a pas mâché ses mots : «Ça, c'est vraiment du jamais vu. C'est un film ou la réalité ? […] Il s'agit d'un des délits les plus graves commis en République dominicaine.» Qu'aucun avis de recherche n'ait été lancé par les autorités à la suite de la révélation de l'affaire, lundi, «dépasse l'imagination», a conclu l'homme de radio.
Même si la nouvelle la plus commentée mardi était le non-lieu dont a bénéficié Felix Bautista, sénateur du parti au pouvoir accusé de malversations et d'enrichissement illicite, l'opération commando qui a permis d'exfiltrer deux des quatre condamnés français a suscité des commentaires féroces sur les réseaux sociaux. «Injure faite au pays», «manque de respect» reviennent régulièrement, de même que la mise en cause de l'Etat français.
Popularité. A lire le site de la Procuraduría (le bureau du procureur), la lutte contre le trafic de drogue occupe l'essentiel de son activité. Lundi, cinq trafiquants ont été condamnés à vingt ans de prison chacun pour avoir été trouvés en possession de 15 kg de «cocaïne chlorhydratée». C'est la même peine qui a été infligée aux quatre Français de l'aéroport de Punta Cana, dont les deux fuyards.
Francisco Domínguez Brito, le procureur général, équivalent du ministre de la Justice, est membre du PLD, la formation de l’actuel président, Danilo Medina, qui sera candidat à la réélection en mai 2016. Avec des chances de l’emporter, puisque sa popularité tourne autour de 90 %. A moins que l’affaire Air Cocaïne ne se retourne contre lui.