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Libération
Éditorial

Vingt ans après, Israël fait mine de se souvenir

publié le 1er novembre 2015 à 17h56

Cent mille personnes réunies samedi soir au centre de Tel-Aviv pour célébrer sa mémoire et des millions d’autres scotchées devant leur écran de télévision : vingt ans après son assassinat le 4 novembre 1995, il n’y avait que l’ex-Premier ministre travailliste Yitzhak Rabin pour réussir un coup pareil. Mais que l’on ne s’y trompe pas, le succès de cette commémoration géante n’annonce pas un revirement majeur de l’opinion israélienne. Encore moins le retour de la gauche et du mouvement pour la paix sur le devant de la scène. Surtout pas en cette période d’«intifada des couteaux»…

En réalité, pour arriver à intéresser les Israéliens à cette commémoration, ses organisateurs l'ont transformée en un événement aussi convivial qu'insipide. Une sorte de happening mou imprégné de bons sentiments et inspiré du dicton «pas de vagues, rien que des ondulations». Dans leurs messages bien proprets, Barack Obama et Bill Clinton ont donc lancé des appels convenus à la reprise du dialogue avec les Palestiniens alors que le président de l'Etat hébreu, Reuven Rivlin, dénonçait les méfaits de l'intolérance et de l'extrémisme. Bravo. Très bien. Et après ? Rien. Chacun a repris le cours normal de sa vie. Oubliées donc les apparitions de Benyamin Nétanyahou, alors jeune politicien ambitieux, à la tête de manifestations hostiles au processus de paix d'Oslo et au sein desquelles les plus excités appelaient à «éliminer le traître Rabin» caricaturé en SS. Oubliées également les campagnes de presse hystériques diffamant le Premier ministre peu avant son assassinat. Oubliés encore les prêches incendiaires de ces rabbins influents de Cisjordanie qui poussaient les colons à passer à l'acte contre le leader travailliste. Non, de tout cela il ne fallait surtout pas parler samedi soir. Il fallait faire semblant de croire qu'Yigal Amir, l'assassin de Rabin condamné à perpétuité depuis lors, a agi seul sur le coup d'une pulsion meurtrière.

Et surtout, rester consensuel en évitant de placer une partie importante de la société israélienne devant sa responsabilité.