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Libération

«C’est le modus operandi de Boko Haram : ils piègent un gosse et attaquent ensuite»

publié le 5 novembre 2015 à 19h06

Malgré la proximité avec le Nigeria et la quinzaine d'attentats perpétrés depuis 2014 par Boko Haram dans la zone, Maroua, la capitale de l'extrême nord du Cameroun était, jusqu'à cet été, «encore pleine de vie». Depuis, «elle est rentrée dans la vieillesse», raconte Abamé, 27 ans, infirmier hospitalier. Que s'est-il passé ? Le 25 juillet, une très jeune femme s'est fait passer pour une blessée dans un hôpital militaire. Admise dans le chaos de la première explosion qui a eu lieu dans un bar de la ville, elle se fait exploser. Le couvre-feu imposé dès 20 heures aurait depuis mis au chômage près de 20 000 motos-taxis sur les 60 000 de l'agglomération : «Ce sont des jeunes qui ne bossent plus et qui sont la proie des recruteurs de Boko Haram. 20 000 francs [30 euros, ndlr], trois repas offerts, la promesse d'une épouse, et vous avez un indicateur qui travaille pour la secte», assure une source sécuritaire camerounaise. Patrick, camerounais, travaille pour la Croix-Rouge française, qui abat ici un travail considérable. «Tout est paralysé et l'économie est à l'arrêt», dit-il. Il trouve sa ville «fantomatique». En journée, Maroua donnerait pourtant presque l'illusion de l'agitation : carrefours encombrés et ouvriers sur les chantiers. Mais la seule présence d'un enfant en haillons, marchant seul à proximité d'un bâtiment de l'ONU provoque un frisson de panique : «C'est le modus operandi de Boko Haram. Ils piègent un gosse et attaquent ensuite», explique un officier de la gendarmerie.

Dans le cercle municipal de Maroua, sorte de maison des élus, une affiche : «Comment identifier un terroriste.» Elle détaille les comportements suspects : yeux hagards, absence de réponse, large tour de taille à cause de la ceinture explosive… De petites affichettes rappellent aussi l'interdiction du voile intégral. Le hijab oui, la burka non. La représentante de l'ONU au Cameroun, Najat Rochdi, résume : «Ce n'est pas le jihad mais le désespoir et la pauvreté qui jettent ces gens dans les bras de Boko Haram.»