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Récit

Climat : «Faites un effort, quoi !» Louise 9 ans

Quelques semaines avant le début de la conférence climat à Paris, les jeunes de 6 à 21 ans, ceux que l’on n’entend jamais mais qui sont pourtant les premiers concernés, ont pris la parole.
(Photo Moos-Tang)
publié le 6 novembre 2015 à 19h26

A l'approche de la COP 21, les moins de 20 ans veulent entrer dans le débat. Ces jeunes que les dirigeants du monde citent allègrement dans leurs discours ne sont pas conviés à la tribune de la conférence des Nations unies organisée à Paris du 30 novembre au 11 décembre pour trouver un accord et contenir le réchauffement sous les 2° C. Pourtant, «il s'agit de la génération qui sera au pouvoir dans quelques années. De celle qui vivra bien plus les impacts du changement climatique que nos élus vieillissants», rappelle Alix Mazounie, du Réseau Action Climat.

Certains adultes l'ont bien compris. Ces derniers mois, France Info a impliqué 1 000 collégiens dans la recherche de solutions concrètes pour la planète (lire page 4). Et il y en a des bonnes, faciles à mettre en œuvre. Vendredi prochain, c'est le Conseil économique social et environnemental qui se mobilisera pour croiser les regards des enfants et des adultes sur les grands enjeux climatiques. Enfin, du 26 au 28 novembre se tiendra à Villepinte (Seine-Saint-Denis) la «COY 11», le sommet climatique consacré à la jeunesse. Les organisateurs tablent sur 5 000 participants de 15 à 25 ans venus du monde entier.

«Jeunes Terriens»

Dans le lot, un projet a particulièrement retenu notre attention : «Les enfants ont quelque chose à vous dire.» Lancé cet été par l'auteure française de livres scientifiques pour enfants Delphine Grinberg (1), il offre aux «jeunes Terriens» de 6 à 21 ans la possibilité d'interpeller l'un des 195 leaders qui se réuniront à la COP. «Les dirigeants parlent sans cesse des générations futures. Prenons-les aux mots pour qu'ils la considèrent vraiment !» interpelle Delphine Grinberg.

Plus de 300 lettres lui sont déjà parvenues. De France, de Suède, de Russie, d’Israël, du Maroc, du Mexique et de Haïti. D’autres sont en chemin grâce à plusieurs écoles, associations et organismes culturels qui ont joué le jeu en France et à l’étranger. Il n’est d’ailleurs pas trop tard pour participer : ceux qui souhaitent transmettre un message aux chefs d’Etat - des discussions sont en cours pour leur remettre en main propre - ont jusqu’au 20 novembre (2).

Dans les missives déjà envoyées, enfants et ados qui s'improvisent parfois «porte-parole de l'humanité entière» s'inquiètent pêle-mêle de «l'exploitation irrationnelle de l'Amazonie», des émissions de gaz à effet de serre, de la pollution de l'air, des océans et des sols. Ils redoutent les catastrophes climatiques, les épidémies, les guerres et la raréfaction des espèces animales et végétales que le réchauffement climatique pourrait entraîner.

Ciziri, Parisienne de 7 ans, appelle François Hollande à «protéger la nature», quand Séménova, une Russe de 14 ans, dénonce «la relation barbare de l'homme envers la nature». Pour Sara, une collégienne de Port-au-Prince, en Haïti, «la coupe abusive d'arbres devient un vrai handicap pour les citoyens. Les arbres font partie de notre existence, nous devons les protéger et apprendre aux autres à les aimer». Nathanaël, du même collège, exhorte Barack Obama à tenir compte des problèmes environnementaux «qui hantent [son] esprit au quotidien». Ce qui domine chez les plus jeunes n'est pas la compassion pour les ours polaires ou les dauphins, mais bien la peur de l'avenir.

Les grincheux objecteront que ces textes sont naïfs et que ces enfants ne savent rien des enjeux climatiques. Notre reportage dans une classe de primaire de Seine-et-Marne (lire page 4) l'illustre bien : peu d'enfants comprennent l'enjeu de la COP 21. Pourtant, comme le défend Juliette Rousseau, coordinatrice de la coalition Climat 21, «il est important d'écouter ce qu'ils ont à dire, mais aussi de leur fournir les outils pour comprendre, se mobiliser et organiser collectivement la résilience et la résistance aux responsables de la crise climatique».

«Entre vos mains»

Parents, fini de vous défiler ! Libération a sélectionné les meilleurs livres pour parler climat aux enfants (lire pages 6-7). «Depuis qu'on a proposé aux enfants d'écrire, on observe un énorme enthousiasme, comme s'ils étaient affamés de prendre la parole. Surtout qu'ils vont droit au but dans ce qu'ils racontent», sourit Delphine Grinberg.

Secouer les chefs d'Etat et de gouvernement, le défi est de taille. On l'a vu fin octobre à Bonn, les 195 pays représentés ont eu du mal à s'entendre sur le brouillon qui servira de base aux négociations de décembre. Vendredi, le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) rappelait que les promesses des Etats sur la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre étaient pour l'instant loin d'être «suffisantes» et qu'en l'état, la planète s'orienterait plutôt vers une hausse du mercure de + 3° C à + 3,5 °C à l'horizon 2100.

Voilà qui résonne avec la lettre de Romane, 16 ans : «Je crains un énième échec de tous ces congrès. Le problème, c'est que les conséquences de cet échec, c'est nous, nos enfants et nos petits-enfants qui les vivrons. Battez-vous ! Faites ce geste pour nous. Trouvez des accords et des objectifs réalisables pour une fois. Notre avenir est entre vos mains.» Si un accord trop peu ambitieux était trouvé à la COP, la jeune génération hériterait d'une lourde charge. «Il ne faudra pas être égoïste pour que les générations futures vivent bien sur la planète», prévient Delphine Grinberg.

Preuve que les consciences se réveillent, le «fonds vert» de l’ONU, créé il y a deux ans et qui doit être abondé à hauteur de 10 milliards de dollars d’ici à 2018 par les pays riches, a annoncé vendredi le financement de huit premiers projets dans des pays du Sud, permettant d’alerter ou de mieux résister aux dérèglements climatiques, de développer les énergies propres ou un meilleur accès à l’eau. Ces projets seront notamment construits au Malawi, au Bangladesh, aux Maldives, aux Fidji, au Sénégal et au Pérou. 168 millions de dollars, soit 156 millions d’euros : l’investissement reste modeste, mais c’est un premier pas.

(1) «Terriens malins», éditions Le Pommier (2013) ; «les Expériences», éditions Nathan et Cité des sciences et de l'industrie (2004).

(2) Plus d'informations sur le site messagesenfantscop21.strikingly.com