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Libération
Portrait

Helmut Schmidt, une conscience allemande

L’ancien chancelier, au pouvoir entre 1974 et 1982, est mort mardi à 96 ans.
publié le 10 novembre 2015 à 18h06

L’ancien chancelier allemand social-démocrate Helmut Schmidt est mort à Hambourg à l’âge de 96 ans. Il était devenu, au fil des années, une sorte de vieux sage de la politique allemande, malgré un bilan d’autant plus modeste lors de son passage au pouvoir (1974-1982) qu’il a été chancelier au cours d’une période noire de l’histoire du pays. En Allemagne, tout le monde connaissait cette silhouette fragile, surmontée d’une abondante chevelure blanche, regard pétillant derrière un nuage de fumée : Helmut Schmidt n’a jamais respecté la moindre législation antitabac, enfumant les plateaux de télévision ou les soirées de premières au théâtre, lorsqu’il grillait cigarette sur cigarette au premier rang, au côté de son épouse, Hannelore dite «Loki», dont il a partagé la vie pendant soixante-huit ans.

Nazisme. Helmut Schmidt est né en décembre 1918 à Hambourg. Son père, Gustav, est l'enfant illégitime d'un banquier juif allemand et d'une serveuse. L'enfant sera adopté par la famille Schmidt, tous deux enseignants. Comme tous les Allemands de sa génération, le jeune Helmut rejoint en 1937 les organisations de jeunesses hitlériennes, puis est enrôlé et se bat sur le front de l'Est. Plusieurs documents nazis, cités par la journaliste Sabine Pamperrien, font état d'un zèle particulier du jeune soldat, salué pour «son attitude nazie parfaite» ou pour «savoir faire partager ses idées nationales-socialistes». Petit-fils d'un Juif, il n'a pas obtenu le poste qu'il briguait chez les parachutistes. Fait prisonnier par les Britanniques en 1944, il n'a jamais nié avoir été influencé par les chemises brunes. Mais il a toujours affirmé avoir aussi été dans l'opposition.

Pragmatique. Libéré en août 1945, il fait des études d'économie et de sciences politiques à Hambourg, où il entame une carrière de politicien. Son essor débute en 1962, pendant les crues historiques qui dévastent le nord de l'Allemagne. Chef de la police à Hambourg, il prend la direction des opérations. La «légende» Schmidt naît à cette époque. En 1974, lorsque le chancelier social-démocrate Willy Brandt est acculé à la démission, pour une sombre histoire d'espionnage dans son entourage, Helmut Schmidt, qui a été ministre de la Défense puis des Finances, fait figure d'homme providentiel. C'est l'époque de la première crise pétrolière. L'économie allemande s'effondre. Le système politique aussi, confronté au terrorisme de la RAF. Face aux enlèvements et aux attentats, Helmut Schmidt refuse l'abandon de certaines règles démocratiques au nom de la lutte antiterroriste. «L'épreuve consiste à ne pas laisser la sécurité l'emporter sur la liberté. Nous nous élevons contre une vague d'intolérance que certains veulent propager dans le pays», déclare-t-il.

Sphinx. A l'international, son action est surtout marquée par son étroite collaboration avec Valéry Giscard d'Estaing, élu président trois jours après l'arrivée de Helmut Schmidt au pouvoir. Contraint de céder sa place en 1982, Schmidt reste député jusqu'en 1987, avant de se retirer de la politique active. Devenu coéditeur de l'hebdomadaire Die Zeit en 1983, il continue de commenter la vie politique allemande. Un sphinx malgré tout très populaire.