C’est la super majorité. Vendredi, alors que la commission électorale n’avait toujours pas fini son interminable décompte, la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d’Aung San Suu Kyi avait déjà engrangé 348 sièges (sur 664) au Parlement birman. La LND est donc majoritaire dans les deux chambres et ne devrait pas avoir beaucoup de difficultés à faire voter des lois.
En mai 1990, elle avait déjà infligé une cuisante défaite à l'armée, qui s'était ensuite assise sur les résultats et avait verrouillé un peu plus le pays. «Cette année, il y a eu des cafouillages, mais pas de fraudes systématiques comme dans le passé. La campagne s'est bien déroulée», note une conseillère du gouvernement. Les hommes forts du régime ont reconnu leur défaite. «Rien ne semble suggérer que l'armée se comportera mal. Les généraux de nos jours sont complètement différents de ceux qui étaient aux responsabilités il y a cinq ans. Ces derniers sont partis à la retraite», remarque l'historien Thant Myint-U.
Le nouveau gouvernement entrera en fonction en mars. «Les prochains mois vont être extrêmement délicats et fragiles», anticipe Thant-Myint-U. «Il va falloir composer avec les militaires, qui peuvent mettre leur veto à la nomination de ministres, et avec une administration corrompue et conservatrice», rappelle Khin Zaw Win, de l'institut Tampadipa.
Au risque de compliquer ses relations avec l'armée, Aung San Suu Kyi a surpris quand elle a dit qu'elle se situerait «au-dessus du président», fonction qui lui est interdite par la Constitution. Elle a aussi parlé de «réconciliation nationale» et «d'unité». Il en faudra.