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Libération

Sondage : les citoyens sont jugés plus actifs que les Etats contre le climat déréglé

Une étude de l’institut Viavoice réalisée pour «Libération» montre que le réchauffement est un enjeu important, mais moins prioritaire que le chômage, la sécurité, le pouvoir d’achat…
publié le 15 novembre 2015 à 18h36

Le changement climatique, pas la priorité des Français ? Les enquêtes d'opinion, à l'instar du sondage Ifop du JDDdu 8 novembre, tendent à montrer que le climat arrive, parmi les enjeux, après le chômage, la sécurité, la préservation du modèle social, l'amélioration du pouvoir d'achat, etc. Pourtant, «à quelques semaines des élections régionales, en proie à des difficultés économiques et sociales importantes, l'opinion publique n'est pas pour autant indifférente à la Conférence de Paris sur les changements climatiques», note François Miquet-Marty, de l'institut Viavoice et initiateur du sondage (1) publié ce lundi par Libération et réalisé avant les attentats de Paris. Samedi, Laurent Fabius a d'ailleurs confirmé que ce sommet international, qui se tiendra du 30 novembre au 11 décembre dans la capitale, aura bien lieu.

A rebours. Une majorité de Français (54%) déclare ainsi «voir très bien de quoi il s'agit»,  quand on évoque la Cop21, contre seulement 15% n'en ayant pas entendu parler. Surtout, les deux tiers d'entre eux (67%) estiment que le réchauffement climatique est«quelque chose qui les inquiète vraiment». Une proportion décisive qui vient à rebours des opinions climatosceptiques très médiatisées. Et rejoint les diagnostics scientifiques des climatologues du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) sur l'impérieuse urgence d'agir.

A la question de savoir qui devrait agir le plus face aux risques de dérèglements climatiques, les personnes interrogées citent bien les Etats (62%), mais aussi en deuxième position «les citoyens eux-mêmes» (43%), avant même d'autres acteurs attendus, telles que les grandes entreprises (42%), les collectivités locales (14%) ou la société civile représentée par les associations ou les ONG (4%). Les gens attendent donc des actes de la part des Etats. Mais ne leur font pas confiance quant à leur réalisation. Ils ont le sentiment que ce sont surtout «les citoyens eux-mêmes» qui agissent le plus aujourd'hui (48%), avec la société civile (40%). Les collectivités locales (18%), les Etats (12%) ou les grandes entreprises (8%) étant considérés comme des acteurs beaucoup moins influents.

Ménage.«Cette vision d'une société en action face aux enjeux environnementaux, mais insuffisamment aidée par les décideurs n'est pas anodine, résume François Miquet-Marty.Elle est symptomatique d'une vision de l'écologie qui serait passée de la sphère publique, politique, médiatique, à une sphère plus privée et individuelle. Dans son ménage, dans ses pratiques de consommation au quotidien, dans son entreprise via le développement durable et la RSE (la responsabilité sociétale des entreprises), le citoyen a le sentiment profond, intime presque, d'être devenu un acteur environnemental. Ce nouveau paradigme créant des attentes d'autant plus fortes pour les décideurs politiques et économiques, mais aussi de nouvelles responsabilités.»

Reste à savoir si ces derniers seront à la hauteur des enjeux. La partie est loin d’être gagnée, tant l’écart semble grand entre ce que devraient faire les gouvernements et les firmes, ce qu’ils annoncent, et ce qu’ils font réellement.

«Il y a une grande lucidité des sondés. Ils ont compris qui sont les responsables du dérèglement climatique et de la lutte contre : les Etats, les entreprises et nous-mêmes», estime Yannick Jadot, eurodéputé EE-LV et coauteur de Climat, la guerre de l'ombre. Les citoyens face aux Etats et aux lobbies (Ed. Le Passager clandestin). La déroute de Copenhague en 2009 est passée par là et a«déniaisé une partie de l'opinion : les sondés sont conscients du gouffre entre, d'un côté, les promesses des dirigeants politiques et les campagnes de pub des grandes entreprises et, de l'autre, la réalité de leurs actes».

Cette enquête prouve selon lui «qu'une partie importante de la société est en marche et qu'elle n'attend plus les Etats pour agir. La question pour la COP21 devient : combien de temps les Etats résisteront-ils à la révolution citoyenne et à la révolution énergétique en cours ?»

Engagements. Ce sondage met aussi en lumière un manque, que résume Anne Bringault, coordinatrice de la transition au Réseau Action Climat (coordination d'ONG). «Les Français n'ont pas encore conscience du rôle crucial des collectivités pour lutter contre les changements climatiques. A quelques semaines des élections régionales, le Réseau Action Climat et France Nature Environnement interpellent les candidats pour leur demander des engagements clairs et précis sur les politiques qu'ils mettront en œuvre s'ils sont élus dans les domaines importants (transports, énergies renouvelables, déchets, transitions, etc).» Sans surprise, Nicolas Hulot, passé par la case politique et aujourd'hui envoyé spécial de l'Elysée pour la protection de la planète, mais représentant de la société civile, est aujourd'hui considéré comme la personnalité française la plus engagée pour la réussite du sommet. 58% des personnes interrogées jugent son action «importante».

(1) Interviews effectuées en ligne du 27 octobre au 2 novembre. Echantillon de 1 002 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.